La représentante de la France aux obsèques de Fidel Castro a estimé que les violations des droits de l’homme n’étaient pas un sujet à Cuba. Une vision pour le moins idyllique d’un régime marqué par un autoritarisme notoire, hier et aujourd’hui encore.
Circulez, y a rien à voir : en déplacement à Cuba pour assister aux funérailles publiques de Fidel Castro, décédé le 25 novembre à l’âge de 90 ans, la ministre de l’Environnement et numéro trois du gouvernement n’a pas fait dans la demi-mesure au moment de faire le bilan de l’action du Lider Massimo à la tête de l’île. Évoquant un « monument de l’histoire », Ségolène Royal a balayé d’un revers de main les accusations de violations des droits de l’homme, pourtant dénoncées par l’Onu et les grandes associations internationales de défense de ces droits de l’homme depuis des décennies.
Cuba serait la révolution française sans la terreur…« Grâce à Fidel Castro, les Cubains ont récupéré leur territoire, leur vie, leur destin. Ils se sont inspirés de la Révolution française sans pour autant connaître la terreur qu’il y a eue pendant la Révolution française », a commenté la ministre. Interrogée précisément sur les accusations de violations des droits de l’homme, la ministre a préféré souligner la « liberté religieuse » et la « liberté de conscience » dont bénéficieraient les Cubains, ajoutant :
« Ecoutez, il y a beaucoup de désinformation. Ce que j’observe c’est que jamais les relations diplomatiques n’ont été coupées avec Cuba, y compris de la part de certains responsables politiques qui me critiquent, qui critiquent la France. »
En ce qui concerne les prisonniers politiques… Quels prisonniers politiques ? « On sait qu’ici, quand on demande des listes de prisonniers politiques, on n’en a pas. Et bien fournissez-moi des listes de prisonniers politiques, à ce moment-là on pourra faire quelque chose », répond Ségolène Royal.
Si, comme le note la ministre de l’Environnement, « la France n’a pas à donner de leçon » à Cuba, la vision idyllique de la situation cubaine portée par l’ex-candidate à la présidentielle résiste assez peu à la réalité des faits. Dans le dernier rapport daté de 2015-2016 sur la situation des droits humain dans le monde d’Amnesty international, qui fait office de référence sur la question, l’analyse de la situation cubaine est bien plus nuancée.
Certes, « l’année a été marquée par un réchauffement des relations internationales » et « d’autres progrès ont également été notés, tels que la libération de prisonniers d’opinion », note l’ONG. Mais « les autorités ont muselé la dissidence et continué de placer en détention arbitrairement des milliers de personnes n’ayant fait qu’exprimer pacifiquement leurs opinions ». Par ailleurs, « les autorités cubaines ont imposé des restrictions sévères aux libertés fondamentales, et des milliers de cas de harcèlement contre des détracteurs du gouvernement (…) ont été recensés ». Sur le plan de la liberté d’information, « les autorités continuaient de contrôler l’accès à Internet, bloquant et filtrant certains sites, ce qui restreignait l’accès à l’information et les critiques antigouvernementales ». Selon la Commission cubaine des droits humains et de la réconciliation nationale citée par Amnesty, « plus de 8 600 militants et opposants au régime ont été placés en détention pour des motifs politiques durant l’année ». Voilà pour « les listes« …
L’histoire de la révolution cubaine est marquée par les violations des droits de l’hommeCe sombre panorama, nettement moins flatteur que celui brossé par Ségolène Royal à Santiago de Cuba, ne mentionne pas les exactions commises au nom de la révolution depuis 1959 également oubliées par la ministre : exécutions sommaires, chasse aux homosexuels – comme le relate le magnifique Avant la nuit, de Reinaldo Arenas -, nationalisation forcée des terres, discrimination des noirs et des métis à la tête de l’État, etc. Sans évoquer les milliers de morts en mer fuyant « le paradis socialiste que nous dépeint madame Ségolène Royal », comme l’a résumé au micro de France Inter ce 4 décembre l’écrivain et dissident cubain Jacobo Machover, « indigné » par les prises de position de la voix de la France à Santiago. Avec Alexis Tsipras, Ségolène Royal est la seule représente d’un gouvernement européen à avoir fait le déplacement à Cuba. Elle aura su s’y faire remarquer…
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