En politique, la trahison est un passage obligé, une figure imposée, une cérémonie d’initiation…
Ce matin-là, le ciel était lourd, le temps frais, et le jeune homme au sourire enjôleur pétri d’idéal bien décidé à laisser éclater sa révolte contre la décrépitude d’un «système» impuissant et corrompu. Tout juste dégrossi par quelques années de courtisanerie, l’indocile ambitieux n’avait pas encore 40 ans. Il se voulait porteur d’une «espérance» collective et soucieux de rassembler les «bonnes volontés» pour restaurer «la vertu» du régime. Il se dressa contre le vieux souverain fatigué et lui porta le coup fatal. Ainsi Suétone raconte-t-il, à peu près, l’assassinat de Jules César par Marcus Junius Brutus et 22 autres sénateurs conjurés durant les ides de mars de l’an 44 av. J.-C.
«Brutus !» L’accusation colle une marque d’infamie aux semelles d’Emmanuel Macron depuis que l’ancien banquier s’est mis en marche vers ce qu’il pense être son destin élyséen. Couvert de cadeaux par la triplette de rois mages – Jacques Attali, Jean-Pierre Jouyet, François Hollande – qui se sont penchés sur son berceau politique, choyé, nommé et même promu depuis ses premiers pas sur la scène publique, l’ancien ministre de l’Economie passe aujourd’hui pour la quintessence du «traître» en politique.
«Tu quoque mi Manu ?» soupire à bon droit François Hollande. Car l’ingrat de Bercy n’a la reconnaissance ni du ventre, ni du cœur. Emmanuel Macron est un traître, sans doute. Il a joué de duplicité et de rouerie pour abuser ce supérieur auquel il devait tant. Mais c’est justement cet art aiguisé de la trahison qui conforte la légitimité de sa candidature présidentielle. Car, en politique, la trahison est un passage obligé, une figure imposée, une cérémonie d’initiation qui propulse l’apprenti ambitieux dans la cour des maîtres de la conquête du pouvoir. Tromper ses aînés, se débarrasser de ses encombrants parrains, bref tuer le père pour voler de ses propres ailes, c’est une étape incontournable pour quiconque prétend enlever le sceptre suprême.
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