Sur proposition d’un élu qui avait justifié les attentats du 13 novembre, le conseil municipal d’Ivry-sur-Seine vient de voter le boycott des produits israéliens. Enquête sur un scandale.
C’est une assez belle salle du conseil, au cœur de la mairie d’Ivry-sur-Seine, banlieue sud de Paris, 60.000 habitants. Sur les murs, des affiches anciennes illustrent le poème d’Eluard Liberté. Mais ce lieu, voilé, tel un théâtre, de tentures pourpres, sert aussi de caisse de résonance à toutes les ténébreuses passions du temps. Le 20 octobre, la majorité municipale (communistes, EELV, Front de gauche, Convergence citoyenne ivryenne) vote le boycott des produits issus des colonies israéliennes. Le «vœu» est de toute façon illégal (comme celui pris par la mairie de Bondy en juin), en vertu d’un arrêt de la Cour de cassation, qui interdit le boycott d’Israël.
Surtout, il est porté par un élu à l’étrange personnalité. Atef Rhouma, cinquième adjoint au maire chargé de la petite enfance, avait tenu en effet de curieux propos au lendemain des attentats du 13 novembre 2015. Cinq jours après la tragédie, en plein conseil municipal, l’élu du groupe Convergence citoyenne ivryenne déclare : «Daech n’attaque pas nos valeurs, notre culture ou notre goût de la fête. Il attaque la France parce que la France l’attaque et participe à la mort de centaines de milliers de civils.» Il poursuit : «Le PS rend les enfants de l’immigration illégitimes en politique et instrumentalise les meurtres et l’émotion à des fins racistes.» Scandale au conseil. Invité par la droite et les socialistes à se désolidariser, Philippe Bouyssou, le maire communiste, refuse en arguant que «ces positions relèvent de la liberté d’expression».
L’opposition – Les Républicains et le centre, dans l’Alternative pour Ivry – avec le PS portent l’affaire devant le préfet. Le maire et Atef Rhouma attaquent alors pour «dénonciation calomnieuse». Une procédure dont l’issue reste aujourd’hui mystérieuse. Rhouma, qui dit avoir été menacé de mort dans des mails, disparaît alors d’Ivry. L’homme, proche des Indigènes de la République sur les réseaux sociaux, s’était également illustré, en mai 2015, à propos de la relaxe des policiers lors du verdict dans l’affaire Zyed et Bouna. «La police française est meurtrière !» scande à l’époque Atef Rhouma dans l’un de ses habituels discours sur la politique intérieure et internationale qui durent parfois une heure. «Nous sommes glacés depuis longtemps par ses postures permanentes, qui mettent en cause la République, la police, la justice, l’Etat… Les débats sont complètement détournés de leur vocation, les sujets locaux sont expédiés en un quart d’heure !» résume Sandrine Bernard, conseillère municipale socialiste.
A chaque séance, Philippe Bouyssou laisse généreusement la parole à l’élu de Convergence citoyenne ivryenne. Une association fondée en 2001, très populaire dans les quartiers défavorisés, où elle surfe sur la vague identitariste. Le maire communiste en a besoin pour bétonner une majorité municipale dans laquelle la faucille et le marteau ont perdu leur allant d’antan. Mais ni le tranchant ni la lourdeur, à en juger par la mansuétude de M. le Maire pour des paroles antirépublicaines chargées de semer de nouvelles graines de violence.
(…)
>>> Retrouvez l’intégralité de ce reportage dans le numéro de Marianne en kiosques
Il est également disponible au format numérique en vous abonnant ou au numéro via et
Le numéro Spécial de Marianne sur les élections américaines est aussi en vente dans les kiosques jusqu’au 10 novembre.
Powered by WPeMatico
This Post Has 0 Comments