Bruno Le Maire, le jeune qui murmure à l'oreille des seniors

En meeting à Tours ce vendredi, Bruno Le Maire a déroulé un argumentaire très libéral dans une mise en scène réglée comme du papier à musique. Avec son style de rebelle propre sur lui, le candidat à la primaire écume les villes moyennes à la pêche aux voix traditionnelles de la droite républicaine : celles des seniors.

Comment faire jeune en ralliant les vieux ? Rebelle sans bousculer l’ordre établi ? En clair, comment incarner le renouveau auprès d’un électorat conservateur et âgé, qui observe le changement avec suspicion ? C’est la délicate équation que tente de résoudre Bruno Le Maire, candidat à la primaire de la droite et du centre, qui apparaît comme le troisième homme derrière Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, au coude-à-coude avec un autre trublion à la raie sur le côté, François Fillon.

Après Dijon la veille et avant un déplacement dans l’Ain ce dimanche, Bruno Le Maire était à Tours le vendredi 23 septembre. Pour son meeting, 500 personnes ont fait le déplacement à l’hôtel de ville, somptueux bâtiment à la gloire de la IIIe république. L’horaire, 19 heures, est habilement choisi : pas trop tard pour les seniors, juste à temps pour les cadres sup’, tout de même bien plus rares finalement que les cheveux gris dans la salle.

Convoquer Chirac, rendre hommage aux anciens

Accueilli par le maire Serge Babary (LR), qui a subtilisé la ville de Tours à la gauche aux dernières municipales, Bruno Le Maire laisse les élus locaux faire leur promotion, et la sienne par la même occasion. Le dernier d’entre eux, Philippe Briand, ne s’embarrasse pas de périphrases juste avant de passer la parole à la vedette du soir. Évoquant ceux qui s’éloigneraient du pacte républicain, le député-maire de Saint-Cyr-sur-Loire, par ailleurs mis en examen dans l’affaire Bygmalion, y va au Kärcher : « Vous vivez selon nos rites (…) ou sinon vous la bouclez et vous retournez d’où vous venez ! » Tonnerre d’applaudissements dans la salle.

Le Maire, lui, choisit de commencer par un hommage appuyé à Jacques Chirac. L’ancien président, vraie madeleine de Proust pour les plus de 60 ans, est toujours une bonne carte à jouer pour l’ex-ministre de l’Agriculture. Mais très vite, Bruno Le Maire, 47 ans, embraye sur « le renouveau », qui « n’est pas une question d’âge« . Adressée à Serge Babary, 70 ans, la remarque fait sourire la salle. Et révèle toute l’ambiguïté du positionnement du député de l’Eure : faire l’éloge de la nouveauté en ménageant les anciens, présenter une image de rebelle face à des concurrents plus âgés… qu’il a parfois servi avec abnégation au cours de sa carrière politique.

Haro sur les syndicats et les fonctionnaires

Alors, Le Maire s’appuie sur les valeurs sûres de la droite républicaine, en les épiçant un peu pour coller à l’air du temps. Sous Le Maire, le dialogue social se fera sans les syndicats. Fini de « ménager la chèvre et le chou » avec ces syndicalistes qui « défendent leurs privilèges » : « Je ne négocierai pas les décisions qui s’imposent pour l’intérêt général du pays ». Ces privilégiés de fonctionnaires sont aussi dans la ligne de mire, et plus précisément ceux de la fonction publique territoriale : « Je propose que demain, à chaque fois qu’un fonctionnaire territorial part à la retraite, il sera remplacé par un agent sous statut privé ». Succès assuré.

Sur le plan sociétal et celui de l’éducation, mêmes recettes, même résultat. « Najat Vallaud-Belkacem nous explique qu’il faut laisser la possibilité aux enfants de CP d’apprendre l’arabe » ? Non, répond Bruno Le Maire : « Au CP, on apprend la langue française ». La salle vrombit de plaisir. Le collège unique ? « Nous le supprimerons ». Quand au voile, « nous n’accepterons pas que certains en France des hommes veuillent rendre les femmes invisibles dans la société française ». Devant un auditoire conquis, le candidat à la primaire déroule : « Jamais les lois de la République ne doivent se soumettre aux lois religieuses ». En résumé, Bruno Le Maire l’assure : « Il est temps que ça décoiffe un peu dans notre pays pour que les choses changent ». Pas trop, quand même.

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