Refus des vaccins : une pathologie politique

Si la France est championne dans la défiance aux vaccins, cela s’explique par deux facteurs : le développement d’un individualisme égoïste commun aux pays riches et une dégradation du service public français de la santé sous l’emprise des lobbies pharmaceutiques.

C’est un record ni revendiqué ni analysé. Les Français sont les champions du monde de la défiance aux vaccins. Une enquête mondiale de la London School Of Hygiene vient de classer les attitudes dans 67 pays : 41 % des Français pensent que les vaccins ne sont pas sûrs, chiffre énorme, loin devant les autres pays occidentaux qui se distinguent déjà par une défiance plus forte que dans le reste du monde. Ce genre d’information en dit plus sur la situation morale et politique d’une société que les sondages et petites phrases qui font frétiller le microcosme. Que la France de Pasteur soit en tête du refus vaccinal devrait interroger avec plus de profit que les derniers embouteillages de la twittosphère : ce record s’explique par l’addition de deux facteurs, le développement d’un individualisme égoïste commun aux pays riches et une dégradation du service public français de la santé sous l’emprise des lobbies pharmaceutiques.

Contrairement aux idées reçues, le refus de vaccination est plus fort en Europe et en Amérique du Nord qu’en Afrique, en Amérique latine ou en Asie, la confiance la plus élevée résidant au Bangladesh ! Plus le niveau d’information monte, plus l’allergie aux vaccins croît. Pour comprendre ce paradoxe, il faut rappeler que la couverture vaccinale d’une population constitue un petit modèle politique d’équilibre entre risques privés et collectifs, intérêts individuels et intérêt général. Compte tenu de l’épidémiologie des maladies il suffit pour protéger une population que 70 % à 90 % de ses membres soient vaccinés. Se faire vacciner comprend une dimension altruiste en protégeant ceux qui ne peuvent supporter certains vaccins (nourrissons, femmes enceintes, personnes affaiblies) au prix d’un risque d’accident vaccinal, infime mais possible. La balance entre le risque collectif d’une épidémie et le risque individuel d’un accident ne se discute pas. Mais un intérêt individuel sans surmoi sera tenté de s’éviter le petit risque vaccinal, sachant que la collectivité des vaccinés le protégera du gros risque épidémique. Une concurrence entre principe de précaution public et principe de précaution individuel explique la baisse de la couverture vaccinale en Europe. Cette extension du domaine de l’individualisme concerne surtout les milieux bobos, les mieux informés, qui ont tendance à s’aligner sur le cas de figure – bien connu en épidémiologie – du médecin faisant vacciner les enfants des autres mais pas les siens… C’est dans les beaux quartiers de Paris, comme dans ceux de Santa Monica ou Malibu à Los Angeles, que progressent les oppositions vaccinales.

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