Victimes d’agressions quotidiennes et d’un silence coupable des politiques et des médias, les Asiatiques de la capitale poussent un cri d’alarme.
Réputée pour sa discrétion, la communauté asiatique d’Ile-de-France a décidé de faire mentir les clichés. Le dimanche 4 septembre, 14 000 personnes, selon la police, se sont rassemblées place de la République à Paris pour exprimer leur exaspération après l’agression mortelle de Zhang Chaolin, un couturier chinois de 49 ans. Un manifestant, habillé comme tous les autres d’un tee-shirt blanc siglé «Sécurité pour tous», distribue des photos en format A3 de visages tuméfiés : «Ce ne sont que quelques-uns parmi des centaines !», lance-t-il. A Aubervilliers, où l’attaque a eu lieu, on comptait début 2016 entre cinq et dix vols avec violence par semaine, dans l’indifférence des politiques comme des médias. La mort de Zhang Chaolin a changé la donne : sur la scène surmontée de plusieurs écrans géants, les élus défilent, de la présidente de la région Valérie Pécresse (LR) au président du conseil départemental Stéphane Troussel (PS). A tous, un membre de l’Association des jeunes Chinois de France (AJCF) rappelle la revendication centrale du mouvement : plus de vidéosurveillance, vite.
« Les condamnations prononcées ne leur semblent jamais assez sévères »
«Je ne crois pas que ce soit de la haine des Asiatiques, estime Me François Ormillien, l’un des avocats de la communauté. C’est avant tout crapuleux : l’objectif des agresseurs, majoritairement des jeunes entre 16 et 20 ans, est de cibler des personnes supposées plus faibles et moins enclines à déposer plainte.» Si le travail auprès des associations de victimes commence à porter ses fruits, les Asiatiques rechignent encore à franchir les portes des commissariats. «Ils craignent de ne pas se faire comprendre, et les condamnations prononcées ne leur semblent jamais assez sévères, précise l’avocat. Un ou deux ans de prison pour de telles agressions, ils considèrent que ce n’est rien du tout, comparé à la Chine où ce type de délits est sanctionné par huit à quinze ans de détention.» D’où, parfois, une tentation de contourner les services de l’Etat ? Les réseaux sociaux chinois comme WeChat sont notamment utilisés pour donner l’alerte et recevoir le secours des membres de la communauté. En avril dernier, un groupe d’Asiatiques, prévenus grâce à leur smartphone, avaient tabassé et lardé de coups de couteau l’agresseur d’un des leurs. «Faut-il se faire justice soi-même ?» : lors de la manifestation du 4 septembre, la question était ouvertement lancée sur les ballons et banderoles émaillant le cortège.
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