A quelques mois de l’élection présidentielle, 40 intellectuels et romanciers ont tenu à faire le bilan des gouvernements de François Hollande. Pas de jugement : des faits ! Cela donne « le Livre des trahisons » (PUF) : un terrible flash-back des bourdes ministérielles et des réformes difformes, qui montre notamment combien la culture a été maltraitée pendant cinq ans. Entretien avec Laurent de Sutter, qui a dirigé l’ouvrage.
Marianne : Comment décide-t-on de diriger un tel livre ? Y a-t-il eu un élément déclencheur précis ?
Laurent de Sutter : Avant tout, il y a eu un sentiment douloureux de saturation. L’avalanche quotidienne de nouvelles délirantes en provenance des hautes sphères du pouvoir politique et financier a fini par avoir raison de l’équanimité d’une certain nombre d’entre nous, dont moi. J’ai donc décidé de réunir tous ceux qui le voulaient, pour retracer le fil des événements que notre noyade nous empêche d’apercevoir.
Les auteurs, très divers, ont-ils reçu des consignes – un mot d’ordre pour unifier leurs réponses ?
J’ai voulu que ce livre ne ressemble pas à un pamphlet politique comme il s’en publie tant, et qu’à l’invective on préfère la froideur ironique de la narration. Outre les contraintes de forme, j’ai donc imposé aux auteurs de se limiter au maximum à raconter le cas qu’ils avaient choisi. L’idée était de proposer une sorte de chronique, à la Froissart, du règne de M. Hollande, dans laquelle les faits parleraient par eux-mêmes et diraient en eux-mêmes l’ignominie qui y préside. L’idée était de proposer une chronique du règne de M. Hollande dans laquelle les faits diraient en eux-mêmes l’ignominie qui y préside.
« Trahisons », le mot est fort. Qui Hollande a-t-il trahi selon vous ? Les idées de gauche ? Les électeurs ? Les intellectuels ?
Le mot est fort, mais peut-être pas assez. Après tout, n’importe qui pouvait prévoir que M. Hollande ne tiendrait pas ses promesses, et qu’il réserverait à ses électeurs quelques surprises saumâtres en sus. Trahir ceux qui l’ont élu fait partir de l’arsenal stratégique de l’homme politique depuis toujours. Si j’ai tout de même conservé le mot, c’est parce que je crois que nous sommes confrontés à quelque chose de neuf : l’organisation de la fin de toute possibilité de gauche dans le reniement déclaré de son idée.
Comment interprétez-vous ces bourdes (Pellerin qui ne lit pas, Fabius qui prend des tableaux, diminution du latin et des classes européennes, etc.) ? Cynisme ? Maladresse ? Droitisation masquée ?
En finir avec la possibilité de la gauche fait partie du programme de gauche depuis près de quarante ans. Il se fait juste que la pression accrue exercée par les différentes crises que nous avons connues depuis 2007, aussi bien dans le domaine financier que politique, social, humanitaire, écologique, etc., rend la nécessité d’accélérer la dissolution de cette possibilité d’autant plus urgente. Il faut en finir avec l’idée de gauche pour que la pseudo-gauche qui fait semblant de s’en réclamer puisse continuer à rester au pouvoir. Que cela ne fasse qu’ajouter de la catastrophe aux crises n’en constitue, aux yeux des responsables, que les dommages collatéraux. C’est dire leur profonde imbécillité.
Ce recueil fait un constat atroce du quinquennat. A quelques mois de l’élection, que répondez-vous à ceux qui diront que vous faites ainsi « le jeu de la droite » ?
J’ai envie de répondre que M. Hollande se débrouille très bien tout seul à ce petit jeu.
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