Burkini : "La France est-elle devenue une mère qui aime sous condition ?"

Le burkini est un symptôme. Il faut l’entendre et l’analyser en tant que tel et non l’interdire. Il faut oeuvrer à réconcilier les enfants de la République avec une mémoire complexe et avec les lois d’une République qui a connu le siècle des Lumières et la colonisation.

Ibn Arabi (mystique du XIIIème siècle) écrit : « La féminité est ce qui circule dans le monde » et « Tout lieu qui n’accepte pas le féminin est stérile » ou encore : « La contemplation de Dieu dans la femme est la plus parfaite ».

Comment se fait-il que la pensée mystique soit oubliée ou déniée aujourd’hui chez celles et ceux qui glorifient l’identité musulmane ? C’est comme si cette dernière n’était constituée que par les préceptes et les voies (voix) cruelles du théologique ? Où sont les autres mouvements de pensée : philosophie, poésie, érotologie, ‘ilm al-kalâm (mouvement rationaliste qui accoucha de la pensée philosophique)… ?

Je me souviens de ces vacances passées au bord de la mer où la question du voile ne se posait pas. Les plages regorgeaient de familles entières (garçons et filles, mères et pères) en maillots de bain. Les grands-mères vivaient par procuration l’émancipation de leurs petites-filles. Et les mères s’identifiaient aux figures de grandes actrices égyptiennes (Faten Hamama, Hind Rustum, Madiha Yousri).

Aujourd’hui, le concept d’identité revient sans cesse hanter la scène sociale et politique, mais sous forme de malaise et de symptôme. Le burkini est une manière d’afficher une différence avec les manières d’habillement occidentales. Il faut l’entendre et l’analyser comme symptôme et non l’interdire. Entendre la souffrance sous-jacente qui est une souffrance identitaire. Quel sens revêt le burkini pour ces filles nées en France ?

Quel sens revêt le burkini pour ces filles nées en France ?

 

Il faudrait cesser de faire de l’immigration un enjeu politique et écouter l’humain dans sa dimension subjective. Le burkini vient interroger la différenciation sexuelle dans son lien au fantasme et la représentation psychique, mais aussi à la laïcité, à l’enseignement (dans les écoles) et à l’histoire.

Pourquoi Identités meurtrières d’Amin Maalouf n’est pas enseigné ? Pourquoi l’enseignement du français ne comporte pas des textes d’Assia Djabbar ou de Mohammed Dib ou de Rachid Boudjedra ? Pourquoi ne pas enseigner Avicenne (en philo) au même titre que Sartre ? L’imaginaire assimile l’Arabe à une menace. On parle seulement de « ceux qui posent problème » dans l’oubli de tous ces intellectuels, ces ingénieurs, ces médecins, ces ouvriers (qui sont originaires des pays arabes) et dans l’oubli que ces enfants qui posent des problèmes sont avant tout les enfants de la République.

Je pense à ces parents qui aiment à condition (« à condition que tu réussisses », « que tu… »). La France est-elle devenue une mère qui aime à condition ?

Le burkini est un symptôme. Il faut l’entendre en tant que tel et oeuvrer à réconcilier les enfants de la République (2ème et 3ème génération qui ignorent la langue arabe et le Texte) avec une mémoire complexe et avec les lois d’une République qui a connu le siècle des Lumières et la colonisation. La pureté est un fantasme.

Edward W. Said disait : « Toutes les cultures sont liées les unes aux autres ; nulle n’est unique et pure, toutes sont hybrides, hétérogènes, extraordinairement différenciées et non monolithiques. » C’est ce qu’il faut enseigner non seulement aux enfants, mais à ceux qui exploitent la question de l’immigration pour leurs campagnes électorales. 
 

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