Victor Hugo, président !

L’arrogance affichée de Sarkozy, le cafouillage permanent de Hollande ne passent décidément pas. Les Français ont besoin d’un président qui ait de la hauteur et de la culture, de la clarté et de la résolution. Il leur faut… Victor Hugo !

Quitte à être mal compris à court terme, je fais ici un pari sur lequel je demande à être jugé dans un an : l’élection présidentielle des 23 avril et 7 mai prochains changera très peu de choses au contenu de la politique française et, au contraire, beaucoup au style présidentiel. Je fais en outre l’hypothèse que le prochain élu se trouve dans une courte liste de trois noms : ce sont, par ordre alphabétique, François Hollande, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy. Ajoutons, toujours par ordre alphabétique, une liste de cinq outsiders avec des chances de médiocres à très faibles : Bruno Le Maire, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Arnaud Montebourg, Manuel Valls. Je ne reconnaîtrai m’être trompé qu’ auprès de ceux qui, dès cette rentrée, auront su citer le nom du gagnant. Certes, en dehors des noms cités, Cécile Duflot envisage bien pour elle-même un score à deux chiffres. Je le crois, mais ce serait après la virgule.

 

Et voici ma proposition. Que François Hollande soit ou non candidat, ou que, candidat, il soit battu ou réélu, il est probable qu’une grande partie de sa politique lui survivra.
– Parce qu’il est populaire ?
– Vous plaisantez.
– Parce qu’elle est populaire ?
– Oui, et ici, je suis sérieux.

Je me garderai bien de vous assommer de sondages. Mais tous constatent que l’aide aux entreprises, qui est au fond la seule innovation sérieuse de François Hollande en matière économique au cours de son quinquennat (CICR, pacte de responsabilité), est largement approuvée par la majorité de la population, qui demande, le plus souvent, que l’on en fasse davantage.

On dira que sa politique antichômage, elle, est fortement impopulaire. Non, mais on constate son échec. Où vit-on jamais en France depuis quarante ans une politique sociale contre le chômage qui fût plébiscitée ? Reste que si l’on en croit les derniers chiffres, la courbe du chômage serait en train de s’inverser. Cet homme, qui eut jadis toutes les chances comme candidat, et naguère toutes les malchances comme président, serait-il en train de retrouver sa forme de candidat ?

Quant à sa politique étrangère, marquée notamment par la lutte contre Daech en Afrique et au Proche-Orient, elle n’est pas vraiment contestée. Peu d’hommes politiques responsables osent ouvertement prôner une sorte de Munich face à l’islamisme, en dépit du prix à payer en termes d’attentats. Non, la lâcheté n’est jamais allée jusque-là.

L’idée européenne a repris du poil de la bête dans les opinions publiquesReste l’Europe. Si surprenant que cela ait pu paraître jusqu’ au mois de juin, le succès du Brexit est en train de tourner à la déroute de l’anti-européisme, ou de l’alter-européisme, pour être poli, tant le néant de cette prétendue politique a éclaté dès le soir des résultats : incroyable dérobade des vainqueurs, menaces sur l’intégrité du Royaume-Uni, panique à la City, recul des investissements, tandis que du côté de l’Europe, comme j’avais cru pouvoir l’annoncer avant les résultats, c’est le calme plat, alors que l’idée européenne a repris du poil de la bête dans les opinions publiques. Venant après les reculades de Tsipras en Grèce et le désaveu de Podemos en Espagne, la politique du néant se dévoile dans sa nature profonde. J’ajoute enfin que l’axe franco-allemand, si difficile aujourd’hui à mettre en œuvre, sort renforcé de ces épisodes successifs. Bref, après mai 2017, la politique française connaîtra sans doute des ajustements à la marge, mais pas davantage.

En revanche, le style présidentiel devra nécessairement évoluer en profondeur. Dans ce domaine, l’échec des deux derniers présidents est total et explique leur impopularité abyssale, souvent injuste. L’arrogance affichée de Sarkozy, le cafouillage permanent de Hollande ne passent décidément pas. Les Français ont besoin d’un président qui ait de la hauteur et de la culture, de la clarté et de la résolution. Il est vrai que Charles de Gaulle avait mis la barre très haut, et que tous ses successeurs en ont pâti.

« Indulgent quelquefois, impartial toujours »

Au hasard de lectures de vacances, je tombe sur cette préface des Voix intérieures (1837), où Victor Hugo définit le rôle du poète. »Il faut […] qu’il jette sur ses contemporains ce tranquille regard que l’histoire jette sur le passé ; […]. Il faut qu’il ne trempe dans aucune voie de fait. Il faut qu’il sache se maintenir, au-dessus du tumulte, inébranlable, austère et bienveillant ; indulgent quelquefois, chose difficile, impartial toujours, chose plus difficile encore ; qu’il ait dans le cœur cette sympathique intelligence des révolutions qui implique le dédain de l’émeute, ce grave respect du peuple qui s’allie au mépris de la foule ; […]. Il faut enfin que dans ces temps livrés à la lutte furieuse des opinions […], il ait […] présent à l’esprit ce but : Etre de tous les partis par leur côté généreux, n’être d’aucun par leur côté mauvais. » On ne me reprochera pas, je le sais, d’avoir si longuement laissé la parole à Victor Hugo. Je vous renvoie du reste à la totalité du texte. Ce qu’il dit du poète, je voudrais que l’on puisse le dire du futur président.

« Mon petit, disait à son fils la mère de Romain Gary, il faut toujours aimer la France, parce qu’elle a fait de Victor Hugo un président de la République. » C’était factuellement faux, mais idéalement vrai. Alors Hugo, président !
 

 


>>> Retrouvez cet éditorial dans le numéro de Marianne en kiosques.

Il est également disponible au format numérique en vous abonnant ou au numéro via  et Android app on Google Play

Powered by WPeMatico

This Post Has 0 Comments

Leave A Reply