Le plan macabre des terroristes est minutieux : ils veulent détruire un par un les pans de ce qui fonde notre identité de Français, et notre humanité même. La guerre de religion, et au-delà la guerre civile, au service de leur funeste projet nihiliste. Ils ne l’auront pas, et ce sera leur première défaite.
Ni fatalisme, ni résignation. De la persévérance, du courage. Rien n’est inéluctable, tout peut changer. Semaine après semaine, jour après jour, la litanie des attentats terroristes qui s’abattent sur notre pays avec la régularité d’un implacable supplice pourrait conduire à se laisser emporter par une grande fatigue démocratique. A quoi bon lutter, à quoi bon résister quand on sait qu’aucun dispositif sécuritaire, aussi rigoureux soit-il, ne parviendra jamais à éteindre tout danger.
Rien ne serait pire que de se laisser ainsi emporter par la lassitude. Face à la tentation de l’abandon, il faut oser. Oser penser plus lucidement, oser agir différemment, oser inventer de nouvelles méthodes pour combattre plus efficacement ce fléau qui frappe partout dans le monde, indistinctement, et indépendamment des croyances, convictions ou conditions de chacun. Oser s’attaquer sans faillir, et sans faiblesse, au terreau idéologique qui alimente le djihadisme.
Et surtout oser rester fidèles à nos valeurs. Le plan macabre des terroristes est minutieux : ils veulent détruire un par un les pans de ce qui fonde notre identité de Français, et notre humanité même. Après les journalistes, les juifs ou la jeunesse festive des terrasses de café et du Bataclan, il fallait donc qu’ils s’en prennent aux familles réunies un soir de vacances à Nice pour célébrer le 14 juillet, date emblématique à la source de notre contrat républicain, puis à une église, lieu symbolique participant au premier chef de notre patrimoine commun. En assassinant un vieux prêtre de 86 ans en train de célébrer l’office, les terroristes ont franchi un pas supplémentaire dans l’horreur. Toujours plus loin, toujours plus lâches. Demain, on le sait, une école risque de rejoindre le sombre cortège de ces actes tous plus barbares les uns que les autres.
Ils nous ont déclaré la guerre, c’est vrai, mais ils rêvent que nous participions aussi à cette tâche sanglante en nous la faisant entre nous. La guerre de religion, et au-delà la guerre civile, au service de leur funeste projet nihiliste. Ils ne l’auront pas, et ce sera leur première défaite.
Conforter l’état de droit, ce n’est pas affaiblir la démocratie
L’indispensable dialogue de paix entretenu par les religions y contribuera et la réaction du clergé catholique apparaît à ce titre comme une indépassable leçon pour bien des responsables politiques qui se vautrent dans la bassesse du cynisme et de la surenchère électoraliste. Au-delà, c’est le projet laïque, plus moderne que jamais, qui confortera les fondements de notre société. C’est ce modèle qui garantira, demain comme hier, l’émancipation de chacun et le respect de tous. Raison pour laquelle, en temps de guerre aussi, conforter l’état de droit, ce n’est pas affaiblir la démocratie, comme le suggèrent certains boutefeux, mais, au contraire, la renforcer.
Il y a de quoi s’inquiéter lorsqu’on entend un ancien président de la République, qui n’a d’autre obsession que de récupérer son sceptre, piétiner la Constitution reléguée au rang d’« arguties juridiques ». Ce texte fondateur n’a rien de sacré, ni d’immuable. Il a d’ailleurs été réformé et amendé de nombreuses fois depuis 1958. L’homme d’Etat ne saurait pour autant le traiter comme un chiffon de papier. Car, dans la bouche de ceux qui prétendent nous représenter, les mots sont des armes. Ceux de François Hollande exaspèrent une frange croissante de l’opinion qui n’y perçoit plus que le reflet de sa faiblesse et de son impuissance. C’est injuste. Bien sûr, ce terrible bilan de 236 morts depuis le 7 janvier 2015 justifie amplement que l’on mette en doute l’efficacité du pouvoir dans la lutte antiterroriste.
Sans doute François Hollande traverse-t-il un quinquennat maudit qui se résumera dans les livres d’Histoire à une longue procession de commémorations et de funérailles. Pourtant, reconnaissons au chef de l’Etat le mérite d’avoir su à chaque nouvelle tragédie trouver les mots qui évitent de creuser des fractures irréductibles. Les mots qui pansent, à défaut de toujours trouver ceux qui pensent. « Notre démocratie est la cible, elle sera notre bouclier », disait-il au soir de la tragédie de Saint-Etienne-du-Rouvray. Ceux qui ne l’aiment guère font souvent mine de croire que la démocratie est un régime faible. Lourde erreur. Il suffit de se retourner vers le passé, comme le fait Marianne cette semaine, pour constater que jamais dans l’Histoire le terrorisme, d’où qu’il vienne, n’a triomphé. Ce sont toujours les démocraties qui gagnent les guerres et celle qui nous oppose au terrorisme islamiste ne fera pas exception.
Au lendemain de la boucherie de 14-18, Clemenceau rappelait mieux que quiconque que les morts de Verdun et d’ailleurs n’étaient « pas morts pour rien, mais pour nous ». Depuis les attentats commis par Mohamed Merah en 2012 jusqu’à l’assassinat du père Jacques Hamel dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray, tous ceux qui sont tombés victimes du djihadisme sont morts pour la démocratie. Sa grandeur sera de triompher demain comme hier. Pour eux.
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