L'Observatoire de la laïcité s'emporte contre un article de la loi Travail

Un amendement au texte qui doit être définitivement adopté ce jeudi 21 juillet autorise les entreprises à restreindre « la manifestation des convictions des salariés » dans leur règlement intérieur. L’Observatoire de la laïcité, instance placée « auprès du Premier ministre », affirme que cette disposition « remet en cause le principe de laïcité »… mais trois de ses membres disent le contraire !

C’est une disposition passée plutôt inaperçue dans le projet de loi Travail qui doit être définitivement adopté ce jeudi 21 juillet par l’Assemblée nationale, à la suite d’une dernière utilisation ce mercredi de l’article 49-3 de la Constitution par Manuel Valls. L’article 1er bis A autorise les entreprises à insérer dans leur règlement intérieur « des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés », à condition que celles-ci soient « justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise ». Une mesure destinée à sécuriser juridiquement les règles adoptées par certaines entreprises pour faire respecter la laïcité, mais qui a l’heur de déplaire à… l’Observatoire de la laïcité ! Ce mardi, cette instance qui dépend de Matignon a réclamé le retrait de l’article dans un communiqué commun avec la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), une commission indépendante d’experts.

« Une insécurité juridique »… ou le contraire ?

Pour les deux organismes, cette disposition « remet en cause le principe de laïcité » et contredit « la Constitution, la Convention européenne des droits de l’homme et le droit communautaire ». L’Observatoire de la laïcité et la CNCDH s’inquiètent du « risque d’interdits absolus et sans justification objective à l’encontre des salariés, en visant par ailleurs toutes leurs convictions, qu’elles soient syndicales, politiques ou religieuses ». Selon les deux instances, cet article « ouvre la voie à d’éventuelles discriminations et, en retour, au développement d’entreprises communautaires ».  Elles dénoncent également « une insécurité juridique pour les employeurs, dans la mesure où les tribunaux en auront des interprétations différentes ».

Sauf que les partisans de cette disposition, introduite le 13 juin par un amendement au Sénat et approuvée par l’Assemblée nationale avec le soutien du gouvernement, estiment précisément qu’elle permettra aux entreprises d’échapper à un flou juridique sur la laïcité en entreprise. Le feuilleton de la crèche Baby-Loup, une affaire dans laquelle une salariée contestait son licenciement pour avoir refusé d’enlever son voile islamique, a bien montré la fragilité du droit en la matière. La Cour de cassation avait finalement donné raison à la crèche en 2014, mais les promoteurs de cet amendement veulent désormais consacrer le sens de cette jurisprudence dans la loi.

Divisions en interne

Le socialiste Jean-Louis Bianco, qui préside l’Observatoire de la laïcité, n’obtiendra de toute façon pas gain de cause dans l’immédiat : le projet de loi de Myriam El Khomri ne peut plus être amendé par le Parlement. En revanche, il pourrait être examiné par le Conseil constitutionnel si des parlementaires le saisissent.

Surtout, une nouvelle fois, l’Observatoire de la laïcité se déchire sur la question. Ce mercredi, trois de ses membres manifestent leur désaccord avec la prise de position de l’instance. Il s’agit de Françoise Laborde, sénatrice radicale de gauche qui a déposé l’amendement mis en cause, Jean Glavany, député socialiste et Patrick Kessel, président du Comité Laïcité République et ancien grand maître du Grand Orient de France. Tous les trois avaient déjà contesté les positions de Jean-Louis Bianco en janvier, lors de la polémique sur les déclarations d’Elisabeth Badinter à propos de l’islamophobie. « Une nouvelle fois, l’Observatoire de la laïcité se trompe gravement ! » dénoncent-ils dans un communiqué. Ils citent en exemple l’entreprise Paprec, qui s’est dotée en 2014 d’une charte de la laïcité par un accord d’entreprise « qui pouvait être cassé à tout moment pour un tribunal faute de fondement juridique ». Rappelant le contexte des attentats, ils affirment également que « l’obsession de la garantie de la liberté ne doit pas entraîner la faiblesse dans la lutte contre les intégrismes ». A l’Observatoire de la laïcité, tout le monde n’a décidément pas la même conception de ce terme.

 

 


 

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