Après NDDL et Sivens : Bure, la nouvelle "ZAD" dans le pied de Hollande ?

Dans la Meuse, la mobilisation déjà ancienne contre un gigantesque projet d’enfouissement de déchets nucléaires commence à prendre une dimension nationale. Un nouveau nœud de contestation citoyenne sur fond d’écologie, après Sivens et Notre-Dame-des-Landes, qui risque de donner des sueurs froides à l’Elysée, à moins d’un an de la présidentielle.

À peine débarrassé du sujet Notre-Dame-des-Landes (ainsi que de Sivens) juste avant le lancement de la campagne pour 2017, voilà qu’un nouveau front de contestation écologiste pointe le bout de ses sandales sur le perron de l’Élysée. Fâcheux, d’autant qu’en comparaison du projet d’enfouissement de déchets nucléaires de Bure, dans la Meuse, l’aéroport nantais fait figure de poumon vert.

Pour un coût estimé entre 25 et 35 milliards d’euros, le chantier porté par l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra) depuis 1999 autour du minuscule village de Bure, dans la Meuse, ne fait pas dans la dentelle : il s’agit de stocker dans les sous-sols meusiens les « déchets à haute et moyenne activité à vie longue », soit les déchets radioactifs les plus nocifs. Désormais passé au stade de de la pré-industrialisation sous le joli nom de Centre industriel de stockage géologique (Cigeo), le projet promet d’enfouir, selon les chiffres compilés par le Réseau sortir du nucléaire, 80.000 à 100.000 m3 de déchets radioactifs représentant 99,9% de la radioactivité totale française, pour une durée d’exploitation d’au moins 100 ans. Le tout disposé dans 300 kilomètres de galeries creusées à 500 mètres sous terre. En comparaison, le projet d’aménagement du Grand Paris passe pour du bricolage.

Dans ce contexte déjà ancien, les militants locaux n’ont pas attendu 2016 pour se mobiliser. Au coeur du village de Bure, une « Maison de résistance à la poubelle nucléaire » existe depuis dix ans. Les murs ont été rachetés par une association créée pour l’occasion, en partenariat avec le Réseau sortir du nucléaire. En 2005, une manifestation de 300 personnes a eu lieu à Bar-le-Duc, le chef lieu du département. Les initiatives locales sont régulières, la population mobilisée. C’est qu’aux alentours, des complexes semblables existent déjà, même s’ils sont beaucoup plus petits et moins sensibles : à Soulaines dans l’Aube, à 60 kilomètres de Bure, un centre de stockage pour les déchets « de faible et moyenne activité à vie courte » est exploité depuis janvier 1992. À Morvilliers, juste à côté de Soulaines, on stocke des déchets « de très faible activité » depuis 2003. Bref, dans le coin, le déchet nucléaire n’est pas une découverte. Mais le projet de Bure dépasse les cauchemars les plus fous des opposants à la technique de l’enfouissement. Et la résistance s’organise : une première marche de protestation a été organise en juin 2015. Rebelote cette année, le 5 juin : 

 

Quelques jours plus tard, les militants se rendent compte que l’Andra commence à fabriquer une plateforme et à clôturer le bois de Mandres-en-Barrois, à 3 kilomètres de Bure ; ils décident de passer à l’offensive. Le 19 juin, les installations sont démontées. Depuis, ils sont plusieurs dizaines à occuper le terrain.


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La vie collective s’organise, avec un grand préau, des tentes, des barnums. On instaure des débats, des chantiers participatifs et même une projection de cinéma ce samedi 2 juillet. Voilà qui commence à ressembler à une mobilisation d’un type bien connu en Loire-Atlantique. « On est nombreux à être passés par Notre-Dame-des-Landes et à y avoir des amis, confirme l’un des occupants joint au téléphone par Marianne. Mais attention : nous ne sommes pas une ZAD, nous ne voulons pas être une marque. Et nous n’arrivons pas de nulle part : le combat ici existe depuis longtemps et il se fait avec la population« . Un autre, qui se fait appeler Sam, précise : « On appelle cela une Zira, en référence à un acronyme détourné de l’Andra. Une Zone d’insoumission à la radioactivité ».

Un texte de loi passera devant les députés le 11 juillet

Encore modeste, la fronde de Bure dispose de tous les ingrédients pour venir siffler aux oreilles du futur candidat socialiste pour 2017 : un contexte de campagne présidentielle, une « connexion » naturelle avec les militants de Notre-Dame-des-Landes qui pourraient trouver ici un nouveau combat à mener après la défaite du référendum, la nature même d’un projet anxiogène qui trouvera vite un écho auprès du citoyen lambda et enfin, une question angoissante à laquelle personne ne sait répondre aujourd’hui : comment traiter les déchets nucléaires en toute sécurité ? « C’est une impasse totale, on ne sait pas comment résoudre ce problème », confirme Corinne François, membre de la coordination Bure Stop.

Cerise sur le gâteau médiatique, un texte de loi passera devant les députés le 11 juillet après l’adoption le 17 mai au Sénat de la proposition de loi relative au stockage réversible des déchets radioactifs en couche géologique profonde, validant le projet de Cigéo à Bure. La proposition de loi, dont le rapporteur est le député de Seine-Maritime Christophe Bouillon, également nouveau président de… l’Andra, devrait passer comme une lettre à la poste.

En attendant, à Bure, les militants préparent activement une « assemblée nucléaire mondiale et improvisée » pour les 16 et 17 juillet. Et vivent sous la menace d’une expulsion. « Si on est expulsés, on reviendra, promet « Arturo », pas inquiet de voir débarquer les forces de l’ordre. « Voir des images de violence diffusées, ce ne serait pas bon du tout pour le gouvernement, veut croire le jeune homme. De toute façon, leur plus grande peur, c’est qu’on se mette à parler de Bure au niveau national et international ».

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