Référendum sur le Frexit : chez Les Républicains, l'art de se critiquer tout en étant d'accord

Après le Brexit, les candidats à la primaire de Les Républicains s’accordent sur les réformes à effectuer face la crise européenne. Pourtant, à les entendre, leur convergence est loin d’être évidente. Effet campagne électorale oblige…

Le Brexit a mis tous le monde d’accord chez Les Républicains (LR). Vous n’avez pas eu cette impression ? C’est normal. Depuis l’annonce des résultats du référendum britannique, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire et François Fillon se plaisent à mettre en avant la singularité supposée de leurs positions respectives. Il y a notamment ceux qui comptent se présenter comme les défenseurs du peuple face à la « technocratie » européenne. Et puis, il y a ceux qui préfèrent se poser en candidats sérieux contre les « démagogues ».

A bien y regarder, pourtant, le consensus est flagrant. Tous les candidats s’accordent à analyser que le projet européen doit changer. Sur la méthode, tous les présidentiables sont favorables à un nouveau traité.

Quant au contenu de cette relance de l’Europe, tous font les mêmes propositions, ou presque. Et aucun des principaux candidats n’envisage un référendum sur la sortie de la France de l’Union européenne. Au final, seule la sémantique change en fonction des marqueurs politiques fétiches des uns et des autres. Présentation des différentes étapes de la relance de l’Union européenne selon les quatre candidats à la primaire de la droite actuellement les mieux placés dans les sondages, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire et François Fillon.

 L’organisation d’un référendum

« Organiser un référendum aujourd’hui en France serait totalement irresponsable« , explique Alain Juppé dans une interview au Monde ce lundi 27 juin. Nicolas Sarkozy clame lui dans un entretien diffusé sur France 2 dimanche 26 juin qu' »il ne faut pas avoir peur du peuple« . Des positions aux antipodes ? Pas du tout, les deux candidats sont d’accord ! Ils se prononcent tous les deux pour la négociation préalable d’un nouveau traité, soumis à ratification par référendum dans un deuxième temps. L’ancien président de la République met simplement en avant sa proximité avec le « peuple », ce qui n’a pas toujours été le cas sur la question européenne (voir encadré), quand Alain Juppé demande un peu de temps avant d’en appeler aux urnes.

Bruno Le Maire et François Fillon font exactement la même proposition que leurs deux rivaux. Le député de l’Eure propose depuis mai un référendum sur l’Europe « dans le courant du quinquennat« , s’il est élu président de la République, après négociation d’un nouveau traité. « Il faut retremper le projet européen dans le bain de la souveraineté nationale« , explique Bruno Le Maire, qui aime se poser en détracteur d’élites politiques déconnectées des préoccupations du peuple.

Dans une tribune publiée dans Le Monde du samedi 25 juin, François Fillon se dit favorable à une « nouvelle Europe forgée dans un nouveau traité (qui) serait soumise, en France, à référendum« . Candidat au programme charpenté, l’ancien élu de la Sarthe estime qu’il y a depuis le Brexit « beaucoup de commentaires, d’agitation » mais qu' »il n’y a de projet nulle part. » Cohérent.

► Les contours du nouveau traité

Là encore, le consensus est large entre les candidats de LR. Nicolas Sarkozy évoque dans le JDD du dimanche 26 juin « un nouveau traité en cinq points« . Alain Juppé souhaite lui « un nouveau traité (…) pour rebâtir l’Europe » autour de nouvelles propositions. Il en a « cinq en tête« . Comme Nicolas Sarkozy ? Précisément, à moins que ce ne soit l’inverse.

Sur ces cinq points fondamentaux, les deux rivaux s’accordent sur trois d’entre eux, à savoir la négociation de nouveaux accords de Schengen afin de mieux protéger les frontières extérieures de l’UE, la fin de la compétence générale de l’Union et l’arrêt définitif de son élargissement.

Les deux premières propositions sont partagées par leur adversaire François Fillon. Lequel souhaite la mise en place d’un Parlement de la zone euro… comme Nicolas Sarkozy. Les quatre candidats sont également tous partisans d’une plus forte harmonisation sociale et fiscale au sein de la zone euro.

Ces propositions supposent la création d’une entité juridique plus restreinte que l’Union européenne à 28 (et bientôt 27) membres. Bruno Le Maire prône même la négociation du nouveau traité « avec les six États fondateurs de l’Union européenne » : la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas et la France.

► Le calendrier

Le véritable point de divergence entre les candidats, ou plus exactement entre Nicolas Sarkozy et ses rivaux, se situe là. Dans son interview au JDD ce dimanche 26 juin, l’ex-président de la République, perçu dans les enquêtes d’opinion comme un responsable politique particulièrement énergique, préconise « un nouveau traité avant la fin de l’année« . Tollé immédiat. Invité le même jour sur Itélé et Europe 1, François Fillon dénonce des attitudes de « girouettes ». « Ce n’est pas en 48 heures qu’on va changer le destin du continent européen », lâche-t-il.

Ce lundi 27 juin, Bruno Le Maire enfonce le clou sur Europe 1 : « C’est irréaliste et irresponsable. Cela veut dire qu’on va bâcler le travail », assène-t-il à propos du calendrier évoqué par Nicolas Sarkozy. Mais la déclaration la plus assassine est l’oeuvre d’Alain Juppé, dans Le Monde : « Il y a des moments historiques où les hommes d’État ne sont pas faits pour suivre l’opinion. Ils sont là pour la guider : voilà ce que nous pensons et ce que nous proposons à nos peuples et, à ce moment-là, il est possible d’organiser un référendum. Pas avant.« 

La première qualité d’Alain Juppé selon les sondages ? Le sérieux. Dans ce grand orchestre de la primaire à droite, chacun continue donc à jouer parfaitement sa partition, malgré l’émergence d’un thème inédit, le Brexit.

 

Nicolas Sarkozy et le référendum européen, un lourd passif

La position de Nicolas Sarkozy sur le référendum européen a quelque peu fluctué. En 2008, celui qui était alors président de la République avait choisi de faire ratifier le traité de Lisbonne, qui reprenait peu ou prou le projet de Constitution européenne rejeté par le peuple français le 29 mai 2005, par voie parlementaire.

Dans un souci de cohérence, peut-être, le président de Les Républicains a expliqué dans une interview au Monde, en mai 2016, ne pas croire « que le référendum soit la meilleure façon de répondre à des questions si complexes portant sur la refondation de l’Europe, qui sont de la compétence de la représentation parlementaire« . Avant de changer totalement d’avis après le vote du peuple britannique en faveur du Brexit.

 

 

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