Maurice G. Dantec, humain, trop humain

L’écrivain et polémiste Maurice G. Dantec est mort ce week-end du 26 juin, à 57 ans. Dissident dans l’âme, fils de communistes en rupture de Parti, autodidacte nourri par les sons de son ami Richard Pinhas, père de musique électronique française, Dantec remit tout en cause. « La Sirène Rouge » (1993) mais surtout « Les Racines du Mal » (1995) l’imposèrent parmi les auteurs les plus prometteurs de l’hexagone. La suite tourna vinaigre…

Les larmes de crocodiles ont coulé en abondance. De Libération au Monde, les chroniqueurs y sont allés de leur faire-part affligé, oubliant le fiel et la moquerie qu’ils ont souvent réservés au défunt. L’écrivain et polémiste Maurice G. Dantec est mort. Il n’était pas très vieux, 57 ans, mais avait beaucoup vécu. Vaguement, et très brièvement, l’engagement à l’extrême-gauche dans sa jeunesse. A fond, l’épopée punk et les voyages qu’offrent les « paradis artificiels»,  comme il se disait du temps de Charles Baudelaire. Sous le coup de leur immense chagrin, les mêmes chroniqueurs éplorés se sont souvenus que Dantec avait méchamment secoué l’univers du polar (ou néo-polar) français des années 90, rompant avec une certaine routine du social et du politique pour explorer les nouvelles réalités du monde cybernétique et connecté. Coup sur coup, La Sirène Rouge (1993) mais surtout Les Racines du Mal (1995) l’imposèrent parmi les auteurs les plus prometteurs de l’hexagone. La suite tourna vinaigre…

Dissident dans l’âme, fils de communistes en rupture de Parti, autodidacte nourri par les sons de son ami Richard Pinhas, père de musique électronique française, les « machines désirantes » chères à Gilles Deleuze et Félix Guattari, le cut-up à la Burroughs ou la paranoïa façon Philippe K.Dick, Dantec remit tout en cause. Les catégories littéraires figées, l’écriture linéaire, les distinctions entre l’essai et la fiction. Mais aussi les évidences idéologiques défendues bec et ongles par ceux qu’il considérait comme les petits boutiquiers de l’Empire du Bien. Devenu pro-Américain, favorable à l’intervention bushienne en Irak pour le plaisir de faire enrager ses détracteurs, convaincu de l’imminence du choc des civilisations et de la décadence de l’Europe, il se perdit dans quelques formules balourdes sur l’Eurabie et les « bêtes de banlieue » dont les racines se trouvaient aussi dans sa vie privée. En l’occurrence l’agression de sa femme Sylvie qui, en 1998, l’avait conduit à s’exiler à Montréal où il est décédé, semble-t-il d’une crise cardiaque, ce week-end.

Deux mails stupidement adressés au groupuscule d’extrême-droite « Bloc identitaire » pour dire son accord au combat « contre la dissociation de la France et l’islamisation de l’Europe » le clouèrent alors définitivement au pilori. Au moins en apparence, Dantec assumait crânement la réputation du facho raciste qu’il n’était pas et affectait d’ignorer les critiques assassines d’une œuvre qualifiée d’illisible par ceux qui ne le lisaient plus. « On me dit confus, la confusion c’est une complexité que ne comprennent pas les autres », nous confiait-il lors de la sortie de Villa Vortex.

« Chaleureux, généreux, amical » selon les Editions Inculte qui ont publié son dernier livre, Les Résidents, Maurice G. Dantec était obsédé par le rapport à l’Autre. Il le traquait dans les mille recoins du chaos contemporain et de la domination de la technologie. Egaré, éventuellement abscons, quelquefois insupportable et au bout du compte, terriblement, misérablement humain.

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