Le procès de Fabienne Kabou, 39 ans, se tient depuis trois jours devant la cour d’assises du Pas-de-Calais, non loin de Berck-sur-Mer où l’accusée a avoué avoir noyé sa fille de quinze mois. Si le déroulé du crime a été établi, reste à en éclaircir les motivations. Bien que la thèse de la « sorcellerie » ait été évoquée dans un premier temps par la mère infanticide, d’origine sénégalaise, elle semble loin de pouvoir faire toute la lumière sur le drame, comme l’ont révélé les premières audiences…
Pourquoi Fabienne Kabou, 39 ans, ancienne étudiante en philosophie, a-t-elle tué sa petite fille de 15 mois, Adélaïde, le 19 novembre 2013 en l’abandonnant sur la plage de Berck-sur-er après s’être renseignée sur les horaires de marées ? La question reste en suspens, au troisième jour du procès qui se tient depuis ce lundi 20 juin devant la cour d’assises du Pas-de-Calais. Car l’accusée, poursuivie pour assassinat avec préméditation, ne cesse de se dérober. Aux questions des juges et à elle-même. « Je ne comprends pas (…), je ne sais pas » (…), je ne crois pas (…) oui, enfin non (…). Je ne le veux pas au moment où je le fais…. « , répond-elle, confuse, lorsqu’on l’interroge dès les premières heures d’audience, avant d’affirmer aussitôt, sûre d’elle-même cette fois-ci, « être en conflit. » Avec qui ? Avec quoi ? Ça, elle ne se « l’explique pas ».
Il fut pourtant question de sorcellerie. D’origine sénégalaise, Fabienne Kabou a longtemps invoqué des « hallucinations sonores » et « visuelles » pour expliquer son crime, et notamment cette « traque » dont elle se dit victime : « Des défunts de sa famille » qui orienteraient « des choses contre elle », comme l’indique l’ordonnance de mise en accusation. Seulement, confrontée à la difficulté de rationnaliser l’irrationnel devant les juges, la mère infanticide, vêtue d’une chemise blanche immaculée et d’un gilet noir, a rapidement laissé apparaître d’autres failles, en particulier ses mensonges récurrents. Fabienne Kabou a en effet menti sur presque tout dans le monde qu’elle s’est construit, en noir et blanc à l’image de ses habits.
Menti sur sa grossesse, qu’elle cache à tout le monde, y compris à ses proches. Menti sur le sort de l’enfant, qu’elle dit vouloir rapidement confier aux soins de sa mère. Menti sur l’accouchement, qui a eu lieu chez elle et non à la maternité. Menti sur les démarches administratives – la naissance d’Adélaïde n’a jamais été déclarée aux autorités. Menti aussi sur elle-même. Ces diplômes qu’elle n’a jamais obtenus alors « qu’on la dit » très intelligente. Menti enfin sur son compagnon, Michel L., un ancien trader reconverti dans la sculpture de trente ans son aîné, père de sa petite fille, qu’elle accuse de ne pas s’être impliqué dans le quotidien de l’enfant mais dont elle reconnaît finalement devant les juges qu’il s’est bien occupé d’Adélaïde. « Il y avait un lien très fort entre eux », confie-t-elle même.
Dans ce monde fantasmé par Fabienne Kabou, qui s’isole petit à petit des autres, les places se brouillent, surtout la sienne. Celle qui a surnommé affectueusement sa fille « Ada », qui s’en occupe « magnifiquement » selon le témoignage de Michel L. à la barre, s’apprête bientôt à la tuer froidement. Cette nuit-là, cette nuit noire d’hiver, le 19 novembre 2013, il fait d’ailleurs très froid sur la plage de Berck-sur-Mer. Fabienne Kabou dira aux policiers, qui retrouvent sa trace dix jours plus tard, avoir eu « le vent dans le dos. » Un vent qui « soufflait » fort. Ignorer ce détail, le noyer à son tour dans les mensonges de Fabienne Kabou, serait pour les psychiatres qui se sont penchés sur la personnalité de l’accusée, passer à côté de l’essentiel : l’altération du discernement de l’inculpée au moment du meurtre. « Fabienne Kabou tient un discours délirant à tonalité persécutive, typique d’un délire chronique paranoïaque inspiré de la magie noire africaine. Même sa préméditation est délirante. Au moment du passage à l’acte, elle attend un signe », explique ainsi à l’audience le docteur Dr Maroussia Wilquin. Un signe ? « La lumière de la lune » par exemple… Verdict le 24 juin.
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