Changement d'état civil pour les transgenres : un pas en avant, deux pas en arrière ?

Jeudi 19 mai, les députés ont adopté en première lecture l’amendement sur le changement d’état civil pour les personnes transgenres dans le cadre du projet de loi sur la Justice du XXIème siècle. Sauf qu’entre la version initiale et celle adoptée, le gouvernement a mis son grain de sel. Et les modifications apportées provoquent la colère des associations qui luttent pour les droits des personnes transgenres.

C’était censé être une grande avancée pour les personnes transgenres. La fin des procédures longues, onéreuses et humiliantes pour faire reconnaître au niveau de l’état civil le genre auquel elles appartiennent. L’amendement 282 du projet de loi sur la Justice du XXIème siècle, adopté en première lecture jeudi 19 mai à l’Assemblée Nationale, devait mettre un terme à tout cela. Mais ça, c’était avant que le gouvernement, par une série de trois sous-amendements, ne s’en mêle. D’une procédure gratuite devant un procureur de la République et basée sur « l’autodétermination du demandeur« , « sans obligation préalable de subir une stérilisation ou d’autres procédures médicales comme une opération de conversion sexuelle ou une thérapie hormonale« , l’amendement finalement adopté impose de passer devant un tribunal et la fourniture de preuves.

Les associations qui militent pour le droit des personnes transgenres, comme Acceptess-T et l’Association nationale transgenre, reconnaissent une avancée à ce texte : la disparition de la notion d’irréversibilité, qui jusqu’à présent forçait les personnes transgenres à prouver qu’elles avaient entamé une démarche définitive de changement de sexe (en clair, une opération et/ou un traitement hormonal) pour entamer leur démarche de changement de genre à l’état civil. Une situation qui avait valu à la France une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme. Mais pour le reste, ces assocations considèrent les modifications apportées au texte par le gouvernement comme un coup de poignard dans le dos.

Depuis des années, elles réclament en effet que changer le « M » en « F » – ou inversement – sur les papiers d’identité se fasse simplement devant un officier de l’état civil, comme c’est désormais possible pour les changements de nom, ou devant un notaire, à l’instar des divorces par consentement mutuel. Or il n’en est rien : les personnes transgenres devront passer devant un tribunal pour aller au bout de leur démarche. Selon l’Inter-LGBT, cela ne fait « qu’entériner les discriminations institutionnelles » envers les transgenres dont les droits sont « anéantis » par le gouvernement.

La dimension médicale toujours présente

Pour changer leur état civil, il faudra désormais aux transgenres fournir « tous éléments de preuve au soutien de [leur] demande« , parmi les suivants :

  • « Qu’elle (la personne transgenre, ndlr) se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué;
  • Qu’elle est connue sous le sexe revendiqué de son entourage familial, amical, ou professionnel ;
  • Qu’elle a obtenu le changement de son prénom afin qu’il corresponde au sexe revendiqué ;
  • Qu’elle a l’apparence physique du sexe revendiqué par l’effet d’un ou plusieurs traitements médicaux.« 

Pour Diane Leriche, membre d’Acceptess-T, le gouvernement « légalise la procédure actuelle » de manière déguisée. Ce qui fait dire à l’Inter-LGBT que les sous-amendements adoptés sont « un immense pied de nez à l’Europe et à ses résolutions« . Le risque qu’elles pointent, c’est qu’une personne transgenre pouvant prouver qu’elle a reçu des traitements médicaux obtienne plus facilement le changement de son état civil qu’une autre. « Dans le fond, ce n’est plus de l’autodétermination, c’est comme le juge veut« , pointe Diane Leriche. L’amendement stipule pourtant que « le seul fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut suffire à motiver le refus de faire droit à la demande« . Mais ce « ne peut suffire » inquiète Diane Leriche : « C’est ‘ne doit pas’ qu’il fallait écrire ! » Et ce, afin de supprimer définitivement toute dimension médicale dans la procédure. 

D’après la militante, si le gouvernement n’est pas allé au bout de sa démarche, c’est parce qu’il « a eu peur que les lobbies anti-mariage pour tous se réveillent.«  Elle souligne également une méconnaissance du sujet chez le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, lors de l’examen à l’Assemblée des amendements. Ainsi, pour justifier que le changement d’état civil ne repose pas uniquement « sur une simple déclaration des intéressés« , le ministre de la Justice a utilisé un exemple où il confond une personne transgenre et une personne travestie : « Une personne simplement travestie, par exemple pour l’exercice de sa profession, mais sans intention réelle de changement de sexe, pourrait accéder à ce dispositif« . C’est ce qui s’appelle maîtriser son sujet…


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