Article 2 de la loi Travail : pourquoi NON, Hollande n'a pas été élu pour ça

Le trio Hollande-Valls-El Khomri n’a de cesse d’affirmer que son projet de loi Travail est en parfaite cohérence avec les idées de la majorité depuis quatre ans. Mais l’article 2, qui concentre l’opposition de la CGT, consacre une inversion de la hiérarchie des normes… que le PS promettait de rétablir en 2011, puis en 2015 !

C’est LA ligne rouge. L’article 2 du projet de loi El Khomri, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, est celui autour duquel se cristallise aujourd’hui le bras de fer entre le gouvernement et les opposants au texte, CGT en tête.

Le fameux article a aussi provoqué cette semaine une certaine cacophonie au sein de la majorité, le chef des députés socialistes Bruno Le Roux puis le ministre des Finances lui-même, Michel Sapin, ayant évoqué sa possible modification avant d’être rabroués sèchement par Manuel Valls ce jeudi 26 mai : « On ne touchera pas à l’article 2 ». Depuis le Japon où il se trouve pour le sommet du G7, François Hollande a fini par descendre ce vendredi 27 mai dans l’arène, apportant son franc soutien à son Premier ministre : « Je l’ai voulue, cette réforme, elle est en cohérence avec tout ce que nous avons fait depuis quatre ans »… Vraiment ?

La hiérarchie des normes, promesse du PS et d’EELV en 2011

Le hic avec cet article 2, c’est qu’il consacre selon ses opposants « l’inversion de la hiérarchie des normes ». En clair, dans l’ancien code du Travail, il était impossible d’établir un accord d’entreprise moins avantageux pour le salarié que l’accord de branche, lequel était forcément mieux-disant que le code du travail. Aujourd’hui, dénoncent ses opposants, la loi El Khomri inverse cette pyramide en faisant prééminer, pour les questions de temps de travail, l’accord d’entreprise sur tout le reste.

Or, l’inversion de la hiérarchie des normes n’est effectivement pas très cohérente avec « tout ce que (la gauche) a fait depuis quatre ans ». Comme l’a souligné Jean-Luc Mélenchon dans l’émission DPDA ce jeudi soir, face à l’ex-secrétaire nationale d’EELV devenue ministre Emmannuelle Cosse, dans l’accord signé entre les Verts et le Parti socialiste en vue des législatives de 2012, « il était écrit qu’il fallait revenir sur l’inversion de la hiérarchie des normes qui avait été mise dans les lois de 2004 et de 2008 par la droite ». En effet, ce point figure très clairement page 12 du texte signé en novembre 2011 par le PS et EELV, intitulé « Ensemble pour combattre la crise et bâtir un autre modèle de vivre ensemble ». Au chapitre « Travailler tous, travailler mieux », celui-ci proclame :

La hiérachie des normes, ligne du PS en 2015

« Rétablir la hiérarchie des normes », donc. Est-ce à dire que le PS aurait signé cet accord sans le penser, juste afin de s’assurer l’aide des écologistes pour gagner les élections ? Que nenni : il ne l’a tellement pas oublié que cette disposition a été réaffirmée pas plus tard qu’il y a tout juste un an, début juin 2015, lors du congrès de Poitiers. Et ce, dans la motion A – « Le renouveau socialiste » – présentée par le secrétaire national du parti, Jean-Christophe Cambadélis :

« Rétablir la hiérarchie des normes », toujours, tout spécialement dans le domaine de la « durée légale du travail ». Un texte qui est devenu la ligne officielle du PS depuis juin dernier et qui avait été signé notamment par… Manuel Valls et Myriam El Khomri.

Reste une question : oui ou non l’article 2 de la loi El Khomri inverse-t-il cette hiérarchie des normes à laquelle la gauche, y compris le PS, tient officiellement tant ? Eh bien, voici l’exposé des motifs du projet de loi présenté par la ministre du Travail de Manuel Valls :

« La primauté de l’accord d’entreprise en matière de durée du travail devient le principe de droit commun », notamment « en matière de fixation du taux de majoration des heures supplémentaires, où la priorité est donnée à l’accord d’entreprise, et non plus à l’accord de branche ». C’est très clair. Et voici la formulation retenue par le projet de loi sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité, concernant les dispositions sur le temps de travail :

« Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir… »

En clair, comme prévu dans l’exposé des motifs, « la primauté de l’accord d’entreprise en matière de durée du travail devient le principe de droit commun ».

 


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