Les casseurs en version Bisounours

Dans Libération, une centaine d’intellectuels ont pris la plume pour dénoncer la stratégie du gouvernement vis-à-vis des « casseurs ». Pour Jack Dion, cette tribune, inspirée d’une « conception passablement conspirationniste », « témoigne d’une compréhension coupable vis-à-vis d’une violence qui risque d’isoler les manifestants en les coupant de la masse de la population ». Et oublie que ces « casseurs » sont aussi capables de retourner cette violence contre les manifestants eux-même.

Une centaine d’intellectuels et de personnalités ont signé un texte dans Libération dont le titre est révélateur : « Casseurs : renverser l’accusation ». Selon ces esprits éclairés, investis d’une mission divine de rétablissement de la vérité, tout ce que l’on raconte sur les bandes de voyous qui viennent pourrir les manifs anti loi El Khomri, est faux.

A les en croire, le pouvoir a mis au point « une rhétorique anticasseurs », et il inaugure « une nouvelle stratégie afin d’écraser ce qui lui résiste ». Bigre.

A aucun moment, ils ne prennent la moindre distance vis-à-vis des casseursEn vertu de cette conception passablement conspirationniste, les susnommés présentent une analyse à charge de la plus belle eau. A aucun moment, ils ne prennent la moindre distance vis-à-vis des casseurs. Jamais ils ne condamnent leurs exactions à répétition contre des policiers, des bâtiments publics ou des commerces. Ils n’évoquent pas davantage les accusations portées contre les syndicalistes traités de « collabos » et parfois agressés au même titre que les flics. Pour eux, la violence n’a qu’une seule source : les policiers.

Ces belles âmes vont même jusqu’à légitimer le mot d’ordre « Tout le monde déteste la police ». A les en croire, la formule s’explique par le fait que « les plus pacifiques des manifestants » en ont assez de « se faire brutaliser »– comme si les exactions policières, parfaitement condamnables, pouvaient justifier tout et n’importe quoi, y compris  l’incendie d’une voiture de police avec des passagers à l’intérieur.

Concernant ce dernier fait, les pétitionnaires n’hésitent pas à dénoncer « une construction grotesque ». Ils accusent Kevin Philippy, le policier qui a résisté à la charge d’un casseur, d’avoir « sorti son arme de service » (qui ne l’aurait pas fait en de telles circonstances ?) au risque donc de tuer le gentil garçon qui a ensuite engagé la conversation avec lui en le tabassant à coups de flexible. Sous la plume de ces gens, l’agresseur n’utilise rien de plus qu’« un bout de plastique », au point que l’on peut se demander s’il ne s’agissait pas d’un jeu organisé par des étudiants désireux de fêter la fin de l’année scolaire.

Il faut croire que si certains ont posé devant la voiture calcinée un écriteau sur lequel on pouvait lire : « Poulets grillés », c’était juste pour rigoler. Il faut croire que si les Indigènes de la République (sic) ont affiché l’image avant de la retirer, c’était pour tester le sens de l’humour de Kevin Philippy. Chez ces gens-là, un policier noir, c’est forcément un traitre en puissance.

Pour couronner le tout, les intellos en goguette proposent donc de soutenir tous ceux qui ont été mis en examen, quels que soient leurs faits et gestes. La boucle est bouclée. On en serait presque à défiler au cri de : « libérez nos camarades casseurs ! ».

Arriver à un tel niveau de mauvaise foi, de bêtise et d’irresponsabilité est une performance qui fera date. Certes, il ne s’agit pas de blanchir le comportement des forces de l’ordre, et notamment de la chaîne de commandement. Tout le monde sait qu’il y a un jeu du chat et de la souris qui permet à Manuel Valls de jouer la carte de la violence. De même, il est légitime de condamner la brutalité des policiers et le recours à des armes qui devraient être interdites. Mais de là à se voiler la face devant les exactions de petits groupes qui ne sont là que pour buter du flic ou du syndicaliste, il y a un pas que nul ne devrait franchir.

Or le texte de ces intellectuels relève d’une cécité confondante. Il témoigne d’une compréhension coupable vis-à-vis d’une violence qui risque d’isoler les manifestants en les coupant de la masse de la population. Ces groupes très organisés, nourris au lait d’un anarchisme relooké, ne sont souvent là que pour çà. En décrétant le grand soir à coups de barres de fer et de vitrines brisées, ils préparent les petits matins qui déchantent.

Les syndicats, fort heureusement, n’ont jamais fait preuve de complaisance à l’égard de ces terroristes du verbe qui aiment parfois joindre le geste à la parole. Raison de plus pour fustiger un appel qui est un coup de barre de poignard dans le dos des salariés mobilisés contre la loi El Khomri. 

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