Mais pourquoi le FN veut-il être l'ami des animaux ?

Marine Le Pen lance le 7 mars un collectif pour la protection animale. Quel rapport avec son positionnement politique ?

Les nombreuses photos de chats qui ornent le nouveau blog de Marine Le Pen n’étaient donc qu’une mise en bouche. Le Front national passe désormais aux choses sérieuses en lançant lundi 7 mars son « collectif Belaud-Argos pour la protection animale en France ». Les références culturelles sont de sortie : Belaud était le petit nom du regretté « petit chat gris » du poète Joachim Du Bellay, qui lui consacra de déchirants vers, tandis que les hellénistes se souviendront qu’Argos n’est autre que le fidèle chien d’Ulysse dans l’Odyssée d’Homère…

Mais trêve de littérature, posons la question qui nous intrigue : que vient donc faire le FN sur le terrain de la cause animale ? L’objectif est, d’abord, de se diversifier. « Il est intelligent de sortir un peu des thématiques rebattues, sur lesquelles le FN est déjà très identifié, comme l’immigration ou la sécurité. Il faut faire entendre une petite musique sur d’autres sujets, sous peine de rester un parti monothématique« , explique à Marianne Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l’extrême droite. Il rappelle, au passage, que la stratégie n’est pas nouvelle. En 1985, le FN de Jean-Marie Le Pen avait créé un « cercle national pour la défense de la vie, de la nature et de l’animal », chargé d’investir la thématique montante de l’environnement.

L’intérêt frontiste pour les droits des animaux n’est pas dénué d’arrière-pensées.

Sur le fond, « la défense des animaux s’inscrit dans la démarche plus large de se saisir des enjeux écologiques », poursuit Jean-Yves Camus. « C’est une évolution qui n’a rien de spécifique à l’extrême droite : beaucoup d’autres s’en sont emparés, et notamment la droite. » Il faut dire que la souffrance animale revient régulièrement dans l’actualité. En février encore, une vidéo montrant les mauvais traitements infligés à des animaux dans un abattoir du Gard a fait polémique.

Mais l’intérêt frontiste pour nos amies les bêtes n’est pas non plus tout à fait dénué d’arrière-pensées. Car s’opposer à la souffrance animale, c’est aussi une manière de s’attaquer à l’abattage rituel qui, pour les juifs et certains musulmans, interdit l’étourdissement de l’animal avant son égorgement. Marine Le Pen s’en était déjà emparée en 2012, en lançant une charge retentissante contre la viande halal. Le sujet figure aujourd’hui en bonne place dans le projet du FN déroulé sur le site du parti : « L’interdiction de l’abattage des animaux destinés à la consommation sans étourdissement préalable, qui s’impose pourtant à la France, sera respecté ». « C’est un enjeu facilement récupérable. Parler de souffrance animale permet de dire que le sujet n’a rien à voir avec la religion de ceux qui pratiquent l’abattage rituel », analyse Jean-Yves Camus.

Le FN trouvera-t-il des sympathisants parmi les défenseurs des droits des animaux ? On pense immédiatement à la plus médiatique d’entre eux, Brigitte Bardot. En guerre ouverte contre l’abattage rituel, l’ex-actrice voit en Marine Le Pen rien de moins que « la Jeanne d’Arc du XXIe siècle ». On se souvient aussi d’un cliché la montrant en plein câlin avec Florian Philippot, le numéro deux du FN, en juillet dernier. Mais le sujet est visiblement sensible à la Fondation Bardot. Son porte-parole, Christophe Marie, nous assure prudemment par mail que « Brigitte Bardot préside sa fondation, cette activité accapare déjà tout son temps et son énergie, elle n’entend donc nullement jouer un rôle dans ce collectif. » Fermez le ban.

Une enquête de Buzzfeed publiée en octobre dernier avait mis en évidence la proximité avec l’extrême droite de plusieurs figures de la cause animale. Anthony Blanchard, président de l’association Cause Animale Nord, avait ainsi suscité la polémique en septembre en agressant un sans-abri roumain pour lui voler son chiot. « Les Roms droguent leurs animaux et les vendent sur le trottoir », s’était-il justifié auprès de Metronews. Le même se montre aujourd’hui méfiant lorsque Marianne l’interroge sur le nouveau collectif frontiste. « Je ne préfère pas trop parler du FN car nous sommes apolitiques », élude Anthony Blanchard. « On dénonce certains faits commis par certaines populations, donc on nous assimile à des racistes », déplore le militant, citant l’abattage rituel mais aussi le cas de la Chine où « on mange encore du chien », assure-t-il.

Marine Le Pen est assez mal notée par les défenseurs de la cause animale.

Anthony Blanchard prend toutefois quelques distances en rappelant que Marine Le Pen est « pour la corrida », qu’il considère comme une « barbarie ». Ce n’est pas le seul reproche que les tenants de la cause animale adressent à la présidente du FN. Marine Le Pen est assez mal notée sur le site Politique & Animaux, qui évalue les politiques en fonction de leurs actions sur des sujets comme la chasse, les expérimentations animales ou la réglementation de la fourrure. Le FN a donc choisi un autre visage pour incarner cette thématique : Sophie Montel qui, elle, obtient un satisfecit général sur Politique & Animaux. Charge à l’eurodéputée – qui n’a pas répondu à nos sollicitations – de présider le nouveau collectif frontiste. Et surtout d’éviter qu’il ne se transforme en coquille vide, alors que les huit structures similaires déjà lancées par le FN n’ont jamais vraiment fait parler d’elles, si ce n’est au moment de leur création…

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