Hollande et ses concubines

Pour François Hollande, il n’y a pas une décision, pas un projet, pas un texte qui ne soit aussitôt contesté, critiqué, malmené. Peut-être pourrait-il s’inspirer de la stratégie de Sun Tzu, auteur de « L’Art de la guerre », et de sa façon bien à lui d’exercer son autorité sur les 180 concubines de l’empereur Wu…

L’Art de la guerre, écrit au VIe siècle av. J.-C., est le premier traité de stratégie militaire écrit au monde. Ses thèses s’inspirant de la philosophie chinoise ancienne ont depuis nourri la réflexion de chefs d’entreprise, de syndicalistes ou de politiques. Il existe peu d’anecdotes sur son auteur, Sun Tzu. L’une d’elles est rapportée dans les Mémoires historiques de Sima Qian. Enervé des prétentions de Sun Tzu à commander une armée, l’empereur Wu le mit au défi de transformer ses 180 épouses en une phalange de féroces combattantes. Le stratège les réunit dans la grande cour de la Cité interdite. Il désigna deux favorites impériales comme capitaines et se mit en tête d’apprendre à cette nouvelle troupe à tourner à gauche puis à droite avec une hallebarde. Il leur fit la démonstration. Aussitôt, l’hilarité générale gagne les rangs des concubines. Normal, s’écrie Sun Tzu : si les soldats ne comprennent pas les ordres, c’est que le général est mauvais pédagogue. Et de reprendre la démonstration. Cette fois, les femmes du harem se roulent par terre en hoquetant de rire. Sans s’énerver, Sun Tzu déclare que si, après avoir reçu les ordres clairs du commandant, la troupe n’a toujours pas compris, la faute en revient aux capitaines. Et sur-le-champ, il fait décapiter les deux favorites, en dépit des protestations de l’empereur. Et là, comme par enchantement, toutes les épouses se comportent comme des soldats aguerris.

D’où vient que, de plus en plus, le gouvernement, le Parti socialiste et, plus largement, la majorité parlementaire se comportent comme les concubines de l’empereur Wu ? Un coup de tambourin du général en chef Hollande et les voilà qui partent dans tous les sens. Pas une décision, pas un projet, pas un texte qui ne soit aussitôt contesté, critiqué, malmené. Le chef de l’Etat, qui concentre entre ses mains plus de pouvoirs que le souverain de Sun Tzu, semble empêtré dans cet habit, embarrassé par tant de puissance. Comme le dit un proverbe de l’empire du Milieu : «Un acteur même revêtu de la tunique impériale ne fait pas un empereur»*.


 

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Pendant cinq ans, Martine Aubry se sera couchée furieuse et levée en colère. Mais le texte qu’elle cosigne dans le Monde daté du 25 février va bien au-delà de l’éternel mouvement d’humeur à l’encontre d’un chef de l’Etat qui a passé son temps à vouloir «la jouer malin» avec elle. Le texte intitulé «C’est un affaiblissement durable de la France qui se prépare» est un terrible réquisitoire, qui n’est pas sans faire penser, tant par le fond que par la forme, à la fameuse dénonciation du «Munich social» par Philippe Séguin. C’est qu’à force d’avoir organisé son entourage comme un harem François Hollande a fini par considérer comme hautement improbable qu’une personne puisse opposer des idées à ses petits arrangements entre amis. Des idées ? Quelle horreur et quelle erreur ! On peut désapprouver tel ou tel point de la phillippique aubryste, on ne peut pas lui enlever ce souci de vouloir sortir de l’impasse où cette gauche de gouvernement s’est fourvoyée. Non, Martine Aubry en signant ce texte n’a pas d’arrière-pensée. Il n’y a – heureusement ou malheureusement – pas de Sun Tzu dans son entourage proche.

Sun Tzu relevait qu’un prince est un piètre souverain dans trois cas. Tout d’abord, quand il embrouille la conduite de ses troupes et qu’il «commande des manœuvres d’avance et de recul impraticables». Ensuite, quand il perturbe son armée intervenant sur des sujets délicats «alors qu’il en ignore tout». Enfin, quand il porte la discorde non pas chez l’ennemi, mais au sein de ses propres rangs. Seul un esprit taquin, forcément taquin, pourrait voir ces cas de mauvaise gouvernance illustrés par ces trois épisodes qui nous ont été infligés : le remaniement, la déchéance de nationalité et la réforme du code du travail. Fort heureusement, nous ne vivons plus dans la Chine des Han et la seule sanction prévue pour le général indigent n’est pas la décapitation, mais la décollation électorale. Disons que cette question a été tranchée depuis la double déroute des municipales et des européennes et que, depuis, l’exécutif court comme un canard laqué sans tête persuadé qu’il franchira ainsi l’année 2017 sans encombre.

* Proverbes chinois, de Roger Darrobers, Point Seuil.

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