Salon de l'agriculture : ça ne sent pas bon pour les politiques

La colère paysanne ne retombe pas et les responsables politiques, de gauche comme de droite, pourraient bien le constater à leurs dépens porte de Versailles.

Les mesures de sécurité ont été renforcées autour du Salon de l’agriculture, qui s’ouvre samedi 27 février à Paris. Officiellement en raison de l’état d’urgence, mais aussi parce que la colère qui agite les campagnes françaises depuis plusieurs mois ne retombe pas. Les motifs sont connus : des éleveurs étranglés par l’effondrement des prix de la viande et du lait, sur fond d’embargo russe et de négociations serrées à Bruxelles. De quoi pourrir sérieusement l’ambiance porte de Versailles. « Ce sont toujours des moments à risque, mais particulièrement cette année, parce qu’il y a une double difficulté : le contexte national et international lié aux attentats, et le contexte de la crise agricole », résume sur iTélé Stanislas Gaudon, du syndicat de police Alliance.

Dans ce contexte, le défilé habituel des politiques va-t-il se transformer en concours de jets d’œufs ? François Hollande le saura bien vite, lui qui essuiera les plâtres dès samedi matin. A l’Elysée, on se veut serein : « Il prendra le temps qu’il faudra, comme tous les ans », assure un conseiller à Marianne. Le chef de l’Etat a d’ailleurs écourté son voyage en Uruguay pour pouvoir prendre une bonne nuit de repos avant de rencontrer – ou d’affronter ? – les agriculteurs. L’an dernier, François Hollande, très friand de l’exercice, avait arpenté pendant huit heures les allées du salon. Certes, on est loin des 12 heures chrono de la campagne présidentielle de 2012. Mais les risques de coup d’éclat ne l’incitent-t-ils pas à se montrer plus discret ? « Au contraire, il faut prendre le temps de discuter avec les professionnels », martèle-t-on à l’Elysée. En petit comité, son ami Stéphane Le Foll semble plus inquiet. « Il peut y avoir des expressions de colère, on ne peut pas tout contrôler », a confié au Monde le ministre de l’Agriculture – qui a lui-même été pris à partie par des agriculteurs à son domicile du Mans, dimanche dernier.

« De la colère va s’exprimer, c’est évident et c’est légitime. »

« Je pense que de la colère va s’exprimer, c’est évident et c’est légitime », confirme à Marianne l’eurodéputé écologiste José Bové. « Les agriculteurs sont dans une situation catastrophique et on ne répond pas à la crise structurelle. » D’autant que les politiques de droite comme de gauche risquent d’être tous mis dans le même sac, selon l’ancien candidat à la présidentielle : « On va entendre des discours, mais ceux qui les feront ont tous participé à la mise en place du modèle actuel. » Exemple : la suppression des quotas laitiers européens, soutenue par le gouvernement sous le quinquennat Sarkozy, et appliquée l’an dernier sous celui de Hollande.

Un ras-le-bol généralisé qui n’empêche pas les candidats à la primaire de la droite – déclarés ou non – de se bousculer au portillon. De Nicolas Sarkozy à Alain Juppé en passant par François Fillon et Nathalie Kosciusko-Morizet, ils seront tous là. Bruno Le Maire, qui a officialisé sa candidature cette semaine, a même annoncé qu’il passerait trois jours au salon, rien que ça. Le député de l’Eure compte capitaliser sur son statut d’ancien ministre de l’Agriculture (de 2009 à 2012). Et tant pis s’il risque de se voir reprocher sa politique passée. « Contrairement à de nombreux autres politiques, Bruno va passer beaucoup de temps à rencontrer les organisations syndicales. Il n’y va pas juste pour faire des images devant des veaux et des cochons », argue-t-on dans son entourage. En acceptant le risque de tensions : « Ces gens sont en train de crever, c’est bien normal qu’ils ne soient pas contents. » « Ça sera un salon où il faudra respecter d’abord les agriculteurs, c’est leur salon », a prévenu de son côté Stéphane Le Foll, vendredi sur France Info. « Attention à l’idée que l’on passe dans le salon d’abord pour soi. » 

Marine Le Pen compte bien surfer sur le ras-le-bol.

La crise va-t-elle profiter à Marine Le Pen ? Dans un t’chat vidéo sur sa page Facebook, vendredi, la patronne du Front national a fait la bande-annonce de son déplacement au salon, prévu mardi, en surfant sur le rejet de classe politique : « Je n’y vais pas, à la différence des autres responsables politiques, pour me faire pardonner les gigantesques erreurs qui ont été commises par les gouvernements UMP et socialistes et qui mettent aujourd’hui l’agriculture dans une situation terrifiante. » La poursuite des manifestations d’agriculteurs un peu partout en France prouve que la radicalisation guette, alors que le syndicat majoritaire, la FNSEA, est parfois dépassé. « Ça tangue un peu au niveau de la base », confie José Bové, qui craint de voir une partie de la profession sauter le pas vers le FN. « Quand les gens sont dans le désarroi, ils peuvent se dire que le rétablissement des frontières est une solution. Mais ça ne peut pas marcher pour l’agriculture parce qu’il y a une interconnexion et une cohérence en Europe. Simplement, il faut refaire de vraies règles européennes. »

Dans cette ambiance quelque peu anxiogène, les politiques désireux de détendre l’atmosphère pourront toujours suivre l’exemple de Manuel Valls. Lors de sa visite au salon l’an dernier, le Premier ministre avait enchaîné les verres… au point de terminer son parcours légèrement éméché ! Après tout, si la méthode peut pousser au dialogue plutôt qu’à l’affrontement…

>> Manuel Valls, très décontracté au Salon de l’agriculture 2015 :

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