Six épisodes et puis s’en vont. La nouvelle série futuriste d’Arte, Trepalium, se termine ce 18 février et n’aura pas de deuxième saison sous cette forme. Une série décevante, au scénario aussi mince qu’un sandwich SNCF.
Qu’est-il arrivé à Arte, dont on rendait grâce d’avoir éclairé, grâce à quelques-unes des plus lumineuses expériences sérielles récentes, la morne petite lucarne ? La chaîne franco-allemande, dont on connaît l’exigence des productions – Ainsi soit-il, Un écho – et des choix de diffusion en matière de séries étrangères – Borgen, Real Humans, Top Of The Lake, Occupied… – s’est lancée, avec Trepalium, dans une superproduction d’anticipation sur l’univers devenu impitoyable du travail. Et ce, au moment même, où le projet de réforme de Myriam el Khomri menace de bouleverser la vie des salariés français.
Un scénario aussi mince qu’un sandwich SNCF
Pourquoi pas. Le problème – et il est de taille – c’est qu’on n’y croit pas, argutie massue, rédhibitoire même, pour une œuvre de fiction, qui demande avant tout au spectateur d’adhérer à l’univers qui lui est proposé. Et pas seulement parce que la production est frileuse, la réalisation, inexistante, l’interprétation sans relief et les dialogues d’une pauvreté affligeante, mais, surtout, parce que le scénario est aussi mince qu’un sandwich SNCF. L’argument ? 80 % de la population mondiale, inactive, est reléguée par les autres 20 % , elle très active, et avide de garder son précieux travail déshumanisé, derrière un mur quasi infranchissable, dans une zone qui manque de tout, surtout d’eau potable. Car la seule entreprise totalitaire, qui subsiste dans cette uchronie dystopique bancale et manichéenne, est Aquaville, qui veille à la bonne alimentation liquide des familles qui se trouvent, évidemment, du bon côté du Mur. Mais, la résistance, pour faire tomber ces odieuses barrières, s’organise… chez les Zonards. Et ces rebelles, exclus, miséreux, voire violents, sont forcément tous animés de bonnes intentions, alors que les nantis, eux, dévorés d’ambition, restent, seulement, les jouets d’un pouvoir caricatural.
Peu importe que par souci budgétaire – 500 000 € par épisode – , la série côté Aquaville, n’ait été quasiment tournée que dans les locaux, jugés futuristes, du siège parisien du Parti communiste, place du Colonel-Fabien, avec son dôme et ses escalators conçus par Oscar Niemeyer. Avec, en extérieurs, des ersatz de Trabants, les fameuses voitures soviétiques, mais, modernité oblige, devenues électriques, au volant desquelles, des humains uniformisés – mais, qui à eu l’idée de ces costumes caricaturant hideusement l’aliénation corporatiste ? – regagnent leur logement standardisé par la firme libérale et fascisante, qui, comme il se doit, écrase toute velléité du capital humain. Une nomenklatura active, qui, à l’instar de celle décrite dans les romans qui semble avoir inspiré l’écriture de Trepalium, ceux de George Orwell et d’Aldous Huxley, représente l’enjeu politique majeur, et entend survivre coûte que coûte. Toute ressemblance avec la crise actuelle des migrants serait-elle fortuite ? Auquel cas, le trait est grossier. Et que dire du traitement visuel des deux villes ? Qu’il est lui aussi sans finesse : la Zone, sale, mais pas trop, quand Aquaville, vide, se montre proprette et ultradesignée.
Pas de 2e saison
On ne saurait trop recommander au réalisateur belge Vincent Lannoo et aux scénaristes Sophie Hiet et Antarès Bassis de voir ou de revoir Bienvenue à Gattaca, le film d’Andrew Nicols, sorti en 1997 et infligeant la réponse d’un monde féroce ayant érigé l’hygiénisme en valeur cardinale à cette question essentielle pour nos sociétés : quel est la véritable valeur du travail ? Et dont la dénonciation subtile des dérives implacables et barbares de l’ultralibéralisme avait su, elle, clouer ses spectateurs au pilori. Il semble que même Arte n’y croît plus, puisque la chaîne qui devait produire une deuxième saison de Trepalium a finalement abandonné ce projet, au profit d’une nouvelle anthologie d’anticipation – à la manière de True Detective – dont le thème sera l’inexorable vieillissement de la population. O tempora, o mores…
*Trepalium, sur Arte, jeudi à 20 h 50.
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