Eloignement familial, difficultés d’accès à la semi-liberté, activités stéréotypées, soins gynécologiques déficients… Les femmes subissent des discriminations jusque dans les prisons, au grand dam de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.
Elles ne représentent que 3,2% de la population carcérale, ce qui pourrait faciliter leur prise en charge. Et pourtant, même en prison, les femmes « ne bénéficient pas des mêmes droits que les hommes ». Dans son avis rendu public ce jeudi 18 février, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), l’ancienne maire PS de Reims Adeline Hazan, estime ainsi qu’elles sont « l’objet de discriminations importantes dans l’exercice de leurs droits fondamentaux ».
« Parmi les 188 établissements pénitentiaires, seuls 56 accueillent des femmes détenues »Les femmes incarcérées subissent d’abord une inégalité territoriale : « Parmi les 188 établissements pénitentiaires, seuls 56 accueillent des femmes détenues, dont la plupart se trouvent dans la moitié nord de la France », écrit la Contrôleure générale. Par conséquent, « chaque département ne dispose pas d’une structure carcérale recevant des femmes, comme cela est le cas pour les hommes ». Ce qui pousse Adeline Hazan à « réitérer sa recommandation », auprès de la Direction de l’administration pénitentiaire, d’ouvrir un quartier destiné aux femmes dans le sud de la France. Il n’existe en effet aucun établissement accueillant des femmes purgeant leur peine en Paca, ni dans les agglomérations strasbourgeoise et toulousaine.
Faute d’une bonne couverture territoriale, les femmes détenues « sont souvent incarcérées dans un établissement éloigné de leurs proches ». Une discrimination encore plus douloureuse pour celles d’entre elles qui sont mères.
L’éloignement des détenues de leurs proches se montre encore plus significatif pour les mineures. Une aberration qui s’explique par le remplissage quasi-exclusif des centres dédiés par des garçons. Les jeunes filles sont ainsi « soit écrouées dans un établissement très éloigné du domicile de leurs proches », « soit écrouées dans les quartiers pour femmes des établissements pénitentiaires ». Eh oui, à cause du manque de place, les jeunes détenues se trouvent « la plupart du temps hébergées dans les quartiers réservés aux femmes majeures ». Une ineptie au regard de la législation, qui l’interdit.
Quand les hommes font du sport, les femmes sont souvent cantonnées à la cuisine, la buanderie, la broderie… Les femmes détenues sont encore discriminées dans leur accès aux services communs. L’interdiction de communiquer avec les hommes et l’enclavement des quartiers de détention destinés aux femmes « contraignent singulièrement (leur) accès aux équipements communs : unité sanitaire, zone socioculturelle, terrain de sport, bibliothèque, etc ». Une anomalie qui fait écho aux activités offertes aux détenus, reproduisant des stéréotypes genrés : quand les hommes peuvent exercer une activité rémunérée ou faire du sport, les femmes sont souvent cantonnées à la cuisine, la buanderie, l’entretien des locaux, la broderie ou encore la couture… Un traitement différencié qui « appauvrit la vie quotidienne (des femmes) et influe de manière négative sur leur préparation à la sortie ».
Si la réinsertion des femmes est mise à mal par la qualité des activités au sein des prisons, elle est carrément sabrée par les difficultés qu’elles rencontrent à bénéficier des régimes de semi-liberté et d’aménagement de peine. « Ainsi, alors qu’elles composent 3,2% de la population carcérale, elles représentent moins de 1,3% des personnes » bénéficiant de la semi-liberté, indique la Contrôleure des prisons. En clair : les femmes ont près de trois fois moins de chance d’obtenir une semi-liberté ou un aménagement de peine que les hommes.
Les soins gynécologiques procurés dans des conditions parfois honteusesLa Contrôleure des prisons conclut son avis en insistant sur la déficience des soins gynécologiques dans les lieux de détention. Ainsi apprend-on que « dans un établissement du sud de la France pouvant héberger une quarantaine de femmes, un gynécologue est présent chaque jour, alors que, dans un établissement de l’ouest de la France hébergeant le même nombre de femmes, le gynécologue n’est présent qu’une fois par mois ». Une inégalité de traitement qui s’ajoute aux conditions honteuses dans lesquelles certaines détenues reçoivent leurs soins. Adeline Hazan explique ainsi que certaines consultations gynécologiques s’effectuent « en présence d’un personnel de surveillance féminin et/ou (avec) le port de moyens de contraintes », ce qu’interdit strictement la loi.
Régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour ses conditions carcérales, la justice française devrait s’attarder un peu plus sur la souffrance accrue de ses 2650 détenues.
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