Les pubs piégeuses des traders bientôt extradées du web

Le dispositif visant à interdire les publicités en ligne pour le trading arrive enfin, intégré dans la loi « Sapin 2 » transmise au conseil d’Etat en fin de semaine. Dans l’intervalle, des dizaines de milliers de clients auront été floués.

« Vous voulez trader sur les marchés financiers mondiaux partout, à n’importe quel moment de la journée ? » Ils sont des milliers à se faire prendre au piège chaque jour par ce genre de publicité racoleuse diffusée sur le web et promettant de changer l’étain en or. À l’arrivée, les internautes les plus crédules n’ont plus que leur clavier pour pleurer.

Tout le monde perd, ou presque
Non content de mettre l’économie réelle à genoux dans le monde entier, les traders s’incrustent partout sur les écrans de vos ordinateurs et smartphones pour inciter à investir vos économies sur les marchés les plus risqués. Dans une étude portant sur un échantillon de 13 000 clients interrogés entre 2009 et 2012, l’Autorité des marchés financiers (AMF) comptabilise des pertes faramineuses de plus de 175 millions d’euros. Et encore, l’étude ne porte que sur les clients de sites de trading officiellement reconnus, pas les sites basés dans les paradis fiscaux qui pullulent sur le web. Mais même sur ces sites dits « agrées », « les gagnants sont rares, confirme l’AMF à Marianne. Neuf investisseurs sur dix perdent de l’argent sur ces marchés ».

Ces marchés, c’est le marché des changes (la où s’échange les devises, aussi appelé Forex), celui des actions ou des matières premières. Les outils privilégiés ? Les options binaires. Ça paraît simple, comme ça : on parie dans un temps limité sur un duo de valeurs, par exemple l’euro contre le dollar, ou le pétrole contre l’or, et si la valeur sur laquelle on a misé l’emporte sur l’autre, bingo. Sauf que dans les faits, il s’agit d’une usine à gaz pas du tout conçue pour les particuliers, encore moins les novices en bourse. En gros, « cela revient à jeter une pièce en l’air et à voir de quel côté elle retombe », résume-t-on à l’AFM, engagée depuis des années dans l’interdiction de ces pratiques.

« Salut, je t’explique comment ça marche ? »
Arnaud, un cadre francilien de 39 ans, est tombé dans la marmite des options binaires à la fin de l’année 2014. Un peu à court financièrement, il commence par faire quelques recherches sur Google. Il n’en faut pas plus pour que les publicités agressives surgissent dans son navigateur par la suite. Intrigué, il finit par se rendre sur le site traderxp.com, inscrit sur la liste noire de l’AMF depuis le 12 septembre 2013. Après une simulation gratuite en ligne, c’est un certain « David Lavigne » qui le contacte :

« Salut Arnaud, c’est David, comment tu vas ? On est à la City ici, on se tutoie vite, tu veux que je t’explique comment ça marche ? »

Arnaud finira par investir prudemment 200 euros. Une mise qu’il fera fructifier à coups de petites opérations, jusqu’à engranger 550 euros de bénéfices juste avant Noël. Mais en janvier 2015, tout s’enraye : un généreux « versement » -en fait, une avance virtuelle d’argent- de 1 500 euros par Traderxp l’incite à « miser plus gros », sachant qu’en cas de perte, il sera redevable de cette somme… Dans le même temps, Arnaud constate deux retraits de 400 euros chacun sur son compte bancaire habituel par ce même courtier. Effrayé, le père de deux enfants tente de récupérer sa mise de départ et son petit pécule, tout en essayant de recouvrer les 800 euros indûment ponctionnés. Après des mois de relances, Arnaud ne reverra jamais un centime de son argent perdu. Quant à lancer une procédure judiciaire, « pour 1 000 euros, ça ne sera pas rentable », estime-t-il aujourd’hui, découragé.

La loi présentée en conseil des ministres le 23 mars
Arnaud s’en sort bien, si l’on peut dire : la moyenne des pertes constatées dans l’étude de l’AMF est de 10 900 euros par personne.  Et les 11 % de gagnants déclarent avoir empochés 1 500 euros en moyenne. La plateforme téléphonique du régulateur français, ouverte à toutes formes de demande de renseignements, reçoit par ailleurs 40 % d’appels liés à cette problématique du trading en ligne abusif. Bref, mieux vaut jouer au Loto.  Le texte de la loi « Sapin 2 » qui contient entre autres mesures un volet spécifique contre les publicités de trading en ligne, doit être transmis au Conseil d’Etat en fin de semaine, avant d’être présenté en conseil des ministres le 23 mars.

 

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