David Cormand, nommé à la tête d’EELV en remplacement d’Emmanuelle Cosse, confie à « Marianne » ses ambitions pour EELV.
Marianne : Cette nouvelle crise à EELV, avec la nomination d’Emmanuelle Cosse au gouvernement contre l’avis de votre parti, peut-elle servir à une nécessaire clarification ?
David Cormand : Depuis les départs début septembre de cadres d’EELV et la formation de l’UDE, cette clarification avait en fait déjà eu lieu. Cela actait qu’il y a deux écologies en France. Une écologie d’accompagnement qui considère qu’il faut être au gouvernement quelque soient les politiques menées. En face, une écologie de transformation qui souhaite gouverner elle aussi, mais sur la base de politiques compatibles. La nomination d’Emmanuelle Cosse au gouvernement n’est finalement que la continuité de ce jeu machiavélique auquel s’adonne le chef de l’Etat pour diviser les écologistes, les monter les uns contre les autres. Pourtant, il aurait été simple pour François Hollande de rassembler les écologistes. Il suffisait de mettre en œuvre une politique écologiste. Lui a voulu se contenter d’écologistes.
« La nomination de Cosse est la continuité du jeu machiavélique de Hollande. »
L’exécutif tente pourtant de faire passer l’idée qu’avec l’entrée de trois écologistes, ce remaniement est un gouvernement de rassemblement…
Ce remaniement ne débouche pas sur un gouvernement de rassemblement, bien au contraire. C’est un remaniement d’entêtement, d’éloignement même d’une ligne politique pour laquelle les Français n’ont pas voté en 2012 lorsqu’ils ont élu François Hollande. Il lui a tourné le dos depuis. Cela pose évidemment la question de la surface politique de ce gouvernement mais plus important à mon sens, cela provoque un vrai problème démocratique. Les Français en 2012 ont voté sur un projet, une politique claire et non pas pour la ligne que développe Manuel Valls qui, lors des primaires en 2011, ne faisait 5%.
Quelle sera la feuille de route d’EELV pour les mois et les années à venir ?
A court terme, il nous faut réaffirmer l’unité d’EELV, elle existe bien évidemment sur le fond, sur notre désapprobation de la politique gouvernementale et sur nos projets. Sur la forme, il nous faut absolument sortir du commentaire écologiste pour l’action écologiste. Parler d’écologie plutôt que des écologistes. Sortir de l’égologie pour l’écologie. A plus long terme, EELV doit porter l’affirmation d’une écologie politique, libre, indépendante et positive. Nous sommes définitivement sortis de cette séquence, ouverte en 2011, de partenariat avec le PS. Non pas parce que nous ne voulons plus de partenaires, au contraire, mais parce que le PS a largué les amarres du projet émancipateur que nous partagions. Ensuite, je crois qu’il faut regarder l’état de l’outil parti EELV et travailler à sa refondation. EELV est un bien commun mis au service de la société. Il y a de plus en plus de gens sensibles aux idées écologistes ainsi que d’acteurs de l’écologie. Nous sommes loin, très loin, des années 80 où ces idées étaient minoritaires. Nous devons rebâtir là-dessus. Enfin, il faut s’atteler à l’ouverture de notre espace politique. Le plan de François Hollande pour 2017 est de dire qu’entre lui et Jean-Luc Mélenchon, il n’y a rien. Et tous ceux qui ne sont pas avec moi sont avec lui. Etrangement, Mélenchon, lui-même fait, en quelque sorte la même chose. Sauf qu’entre les deux, il y a tout. Un espace politique à construire.
« Nous sommes définitivement sortis de cette séquence de partenariat avec le PS »
Ce qui veut dire poursuivre le travail engagé dans la primaire à gauche ?
La primaire est l’un des outils qui doit permettre de débattre et définir cet espace politique. Mais ce serait un échec si elle ne se résumait qu’à un casting de personnes. La primaire doit permettre de faire émerger cette culture commune, de dégager les lignes de cette nouvelle famille politique que nous devons construire. Il y a aujourd’hui d’un côté l’extrême droite. Au centre, ce cercle de la raison, les partis d’accompagnement. Quelle différence y-a-t-il aujourd’hui entre Manuel Valls, Alain Juppé ou Bruno Le Maire ? Il y a enfin les forces de transformation. Il faut donc se mettre dès à présent au travail pour construire cet espace politique. C’est la seule alternative à la droite et l’extrême-droite.
Même s’il ne souhaite pas participer à la primaire, Jean-Luc Mélenchon fait partie de ces forces de transformation…
Il est indéniable que Jean-Luc Mélenchon souhaite la transformation de la société. Mais il y a des préalables entre lui et EELV comme sur l’Europe. Pour changer le monde, nous pensons à EELV, qu’il nous faut le faire par l’Europe justement et non pas par le repli national. Est-ce qu’avec l’Europe telle qu’elle est actuellement nous le pouvons ? Bien sûr que non. C’est pourquoi nous devons travailler à sa transformation. Yanis Varoufakis a d’ailleurs réuni récemment à Berlin les acteurs importants qui travaillent à cette transformation européenne. Je remarque que Jean-Luc Mélenchon n’y était pas… Sur son rapport à l’incarnation du pouvoir, je trouve qu’il à un côté très old school, chevènementiste, ce qui n’est pas un mal en soi. Mais je trouve ça paradoxale lorsqu’on affiche cette volonté de faire évoluer la Vème république, de critiquer cette personnalisation à outrance.
Le périmètre du référendum est flou
Que pensez-vous de l’annonce de ce référendum local pour régler la question de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ?
Je suis dubitatif. D’abord parce que les promesses de François Hollande sont rarement suivies des faits. Il est très bon en Président de la parole écologiste, beaucoup moins lorsqu’il faut appliquer une politique écologiste. Il annonce donc un référendum local. Sauf que si l’on s’en tient à l’aspect juridique, il devra être mis en œuvre à l’échelle des collectivités territoriales qui sont impliquées dans le projet visé. L’Etat participe au projet de l’aéroport… Donc, allons-nous vers une consultation nationale ? Cette question du périmètre est floue, et, comme le dit Martine Aubry, lorsque c’est flou c’est qu’il y a un loup ! Il y a aussi la question de l’équilibre entre les partisans de l’aéroport, les collectivités territoriales, qui auront des budgets pour faire campagne et ceux qui sont en contre, les associations citoyennes, qui n’auront que leurs pieds et leurs mains. Enfin, il y a actuellement des recours en cours contre ce projet. S’ils devaient être favorables aux opposants, le référendum serait caduc. Je redoute donc que cette proposition ne soit en fait qu’un nouveau rideau de fumée du chef de l’Etat…
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