Le Figaro, Valeurs Actuelles, Paris Match… ces journaux qui servent d'album photo à Sarkozy

Devinez qui signe les clichés (pour le moins flatteurs) qui illustrent les dossiers du « Figaro Magazine » et de « Paris Match » sur Nicolas Sarkozy ? C’est Sébastien Valente, qui n’est autre que le photographe attitré de l’ancien chef de l’Etat. Et il n’en est pas à son coup d’essai…

L’article s’étale sur sept pages dans Le Figaro Magazine de ce vendredi 29 janvier. Nicolas Sarkozy, qui fait la couverture de l’hebdomadaire, y distille des confidences soigneusement pesées, tout en faisant la promotion de son dernier ouvrage, La France pour la vie. Il explique qu’il a « mis plus dans ce livre que dans les précédents », assure que « les salles sont pleines » partout où il va et se convainc que « non vraiment, ça ne sent pas le rejet ! »

En tournant les pages, le lecteur découvre une série de photos frôlant la campagne publicitaire. On y voit un Nicolas Sarkozy l’air serein et déterminé derrière son bureau, en train de dédicacer son livre. Un Nicolas Sarkozy les bras levés, haranguant les militants venus l’écouter à Nîmes le 20 janvier. Un Nicolas Sarkozy souriant, qui salue les Français et va jusqu’à jouer au baby-foot avec eux lors d’un déplacement sur le terrain. Bref, un Nicolas Sarkozy loin, très loin de l’image d’un homme souvent « exaspérant pour les autres », comme il confesse lui-même dans son livre.

On comprend mieux la présence de ces clichés flatteurs lorsqu’on découvre le nom leur auteur, un certain Sébastien Valente, présenté par le Fig Mag comme un photographe de l’agence E-Press Photo. Ce que le magazine ne dit pas, c’est que Sébastien Valente est surtout le photographe attitré de Nicolas Sarkozy depuis son retour sur la scène politique, en septembre 2014…

Mais l’honnêteté oblige à préciser que le Figaro Magazine n’est pas le seul à avoir recours à ses services. Loin de là. La photo de Nicolas Sarkozy assis à son bureau a été publiée la veille dans Paris Match. Pas étonnant : pour illustrer son article sur les confidences de l’ancien président (qui s’est décidément confié à beaucoup de monde), le magazine du groupe Lagardère s’est lui aussi fourni auprès de Sébastien Valente.

En août 2015, c’est Valeurs actuelles qui avait droit à « la confession » de Nicolas Sarkozy, comme le titrait l’hebdomadaire en couverture. Un « entretien exclusif » était accompagné de photos montrant un Nicolas Sarkozy détendu, posant en chemise dans la chaleur de l’été, ou présidant avec un large sourire le bureau politique de son parti. Et en tout petits caractères dans les crédits photos figurait le nom de… Sébastien Valente. Mais là aussi, rien ne laissait supposer au lecteur que le photographe était si proche du photographié.

Et quelques semaines auparavant, devinez qui avait shooté un couple Nicolas Sarkozy-Carla Bruni plutôt à son avantage pour VSD puis Paris Match ? L’inévitable Sébastien Valente !

Chez certains confrères, on raille cette communication ultra-verrouillée. « Nous n’accepterions jamais de publier une image fournie par le communicant visuel de Nicolas Sarkozy », assure à Marianne Isabelle Grattard, chef de service photo au quotidien Libération. « Que Nicolas Sarkozy décide d’avoir son photographe ne pose pas de problème en soi. Le problème se pose plutôt aux titres qui prennent la responsabilité de se démarquer de sa communication, ou pas ».

« C’est une pratique qui a cours parfois, mais Sarko a poussé ça à l’extrême », nous confie un photographe habitué des reportages politiques, qui confirme l’accès privilégié de Sébastien Valente à l’ex-chef de l’Etat. « Chez Les Républicains, il fait toutes les photos de coulisses, celles que les autres photographes accrédités ne peuvent pas faire. » Il est ainsi régulièrement autorisé à s’introduire dans la pièce où se déroulent, à huis clos, les bureaux politiques de LR, comme le rapportait une enquête de L’Express en octobre dernier.

Dans son bureau, Sarkozy ne tolérerait pas d’autre photographe que le sien. Il y a pourtant reçu les caméras de TF1 la semaine dernière…

Au Figaro Magazine, on avance d’ailleurs cette justification au fait d’utiliser les clichés de Sébastien Valente pour illustrer l’article sur Nicolas Sarkozy : « Dans les lieux intimes comme son bureau (sic), il n’y a que lui qui est en mesure de faire des photos. » Autrement dit, dans une pièce où il a encore reçu la semaine dernière les caméras de TF1, Sarkozy ne tolérerait pas d’autre photographe que le sien… Et le Fig Mag s’est plié sans broncher à cette condition. Egalement contacté par Marianne, Paris Match nous a redirigés vers son service photo, qui restait injoignable vendredi après-midi.

Mais Sébastien Valente ne photographie pas que Nicolas Sarkozy et son épouse. Il est aussi celui qui, en août 2014, avait immortalisé un François Hollande pas tellement à son avantage, se badigeonnant de crème solaire sur une plage. Une image qui avait fait grand bruit à l’époque, après sa publication à la une de Voici.

Ce paparazzi décidément très politique a également planqué en octobre 2014 dans les rues de Paris pour photographier Gérard Davet et Fabrice Lhomme, deux journalistes du Monde auteurs de multiples enquêtes sur les affaires judiciaires dans lesquelles Sarkozy est cité. Interrogé par L’Express, Sébastien Valente ne voyait pourtant pas le problème : « Parce que je suis le photographe de Sarkozy, je vais m’interdire de prendre des photos de Gérard Davet et de Fabrice Lhomme ? » C’est vrai, après tout, pourquoi brimer la liberté de la presse ?

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