Trois mois après le fameux épisode de la chemise arrachée de son DRH, la direction d’Air France a essuyé un revers devant l’inspection du travail, qui a estimé que ses arguments pour licencier son délégué du personnel CGT incriminé n’étaient pas étayés.
Les « faits invoqués pris dans leur ensemble ne permettent pas d’établir l’existence d’une faute lourde commise par le salarié, caractérisant son intention de nuire » à la compagnie. C’est en ces termes que l’inspection du travail a fait savoir à Air France qu’elle ne validait pas le licenciement de l’un de ses salariés, accusé de violence sur deux vigiles et le DRH Xavier Broseta, après le fameux épisode de la chemise déchirée du 5 octobre dernier.
Les images de Xavier Broseta fuyant, après un comité d’entreprise houleux, des manifestants en colère en escaladant un grillage la chemise déchirée, avaient fait le tour du monde et entraîné un flot de réactions politiques. La direction de la compagnie avait quant à elle soulevé trois griefs : l’agression physique du DRH, de deux vigiles, et le « retentissement médiatique extrêmement important, affectant l’image et la réputation d’Air France en France et à l’étranger« .
Les images de télévision jugées peu probantes
Mais l’inspectrice du travail rejette point par point les accusations de la direction, les jugeant infondées ou pas assez étayées. Dans la « bousculade généralisée« , estime-t-elle, « il est impossible de déterminer avec certitude » s’il « bouscule des salariés volontairement, ou s’il est lui-même chahuté« . D’ailleurs, rellève-t-elle, la victime elle-même « a admis ne pas être en mesure de reconnaître » le délégué « comme étant l’auteur des faits reprochés« .
La direction reproche également au salarié d’avoir « agressé un des vigiles en le poussant violemment, entraînant sa chute brutale, ainsi que celle de Monsieur Broseta et de l’autre vigile« . Là encore, l’inspection du travail ne conteste pas la scène mais son interprétation puisque, selon elle, les images télévisées avancées comme preuve ne permettent pas « de déduire la force de la poussée » et « qu’en conséquence son caractère violent ne peut être établi ».
« Un climat de défiance propice à la confrontation »
Très à charge, la décision de l’inspection du travail relève par ailleurs une violation par Air France du code de sécurité intérieure, lequel interdit « l’intervention des entreprises de sécurité privée dans les conflits au travail« . En faisant appel à des vigiles extérieurs, « l’employeur a contribué à instaurer un climat de défiance propice à la confrontation« , selon elle. La CGT a d’ailleurs annoncé son intention d’assigner en justice la compagnie sur ce motif.
Si cinq salariés d’Air France sont poursuivis pour les mêmes faits, le cas de celui-ci était examiné par l’inspection du travail en raison de son statut protégé de délégué du personnel (CGT). La décision de l’inspection ne lève pas la procédure engagée de licenciement pour faute lourde mais elle lève la sanction disciplinaire (le salarié est mis à pied à titre conservatoire depuis le 16 octobre sans solde). Air France a d’ores et déjà annoncé qu’elle allait « former sans délai un recours hiérarchique auprès du ministère du Travail« . La ministre du Travail, Myriam El Khomri, dispose de 4 mois pour se prononcer : en annulant la décision de l’inspection du travail, elle validerait le licenciement.
En mai, les cinq salariés poursuivis seront jugés devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour violence. Ils risquent pénalement jusqu’à trois ans de prison et 45.000 euros d’amende, dans le cas où les violences n’ont pas entrainé une incapacité de travail de plus de huit jours. Or l’un des agents de sécurité a reçu 30 jours d’ITT. Dans ce cas, la peine peut monter jusqu’à cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende.
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