Jean-Christophe Cambadélis, qui défend ardemment le principe de la primaire à gauche pour la présidentielle, se serait sans doute bien passé d’un tel exercice dans sa circonscription. Face à lui, Léa Filoche, conseillère socialiste de Paris, lui dispute sa place. Les militants doivent les départager ce jeudi 8 décembre.
En politique, entre les discours tenus sur le plan national et les pratiques locales, il y a parfois un monde. Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste et député du 19ème arrondissement de Paris, pourrait en être un exemple. Lui qui ne cesse de défendre la primaire de la Belle alliance populaire, appelant avec des trémolos dans la voix Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron à y participer au nom de la survie de la gauche, se serait sans doute bien passé d’un tel exercice dans sa propre circonscription. Élu presque sans discontinuer dans le 19ème depuis 1988 – hormis un passage à vide de 1993 à 1997 -, il se voit aujourd’hui contesté au sein d’une primaire militante.
Face à lui, Léa Filoche, militante depuis 1995, conseillère à la mairie du 19ème et à la mairie de Paris. Accessoirement, elle est aussi la fille du tonitruant Gérard Filoche, l’un des animateurs de l’aile gauche du parti, justement candidat à la primaire de la gauche et loin d’être le dernier à secouer le patron des socialistes. Ce qui n’arrange rien à l’affaire. Les militants socialistes sont donc amenés ce jeudi 8 décembre à choisir celui ou celle qui portera leurs couleurs aux prochaines législatives. Celle qui ose défier le baron parisien sur ses terres explique à Marianne :
« Jean-Christophe Cambadélis en est à son cinquième mandat de député. Or on voit bien que les citoyens aspirent à un renouvellement de la vie politique. Un renouvellement des personnes mais aussi des pratiques politiques, des engagements et du lien avec le territoire. C’est le sens de ma candidature dans cette compétition interne, un engagement réfléchi et pris en accord avec un collectif de camarades. »
« Pas très content » selon elle à l’annonce de sa candidature, Cambadélis aurait tout bonnement descendu le principe même de cette compétition devant les socialistes de l’arrondissement, rassemblés en Assemblée générale. « Il a expliqué que dans la période actuelle, on ne pouvait pas afficher que le premier secrétaire ne soit pas le candidat et que cela affaiblirait le PS », rapporte Léa Filoche. Un argument de forme qui permet d’éviter le débat de fond, notamment sur son bilan de parlementaire. Son adversaire estime au contraire que Cambadélis ne devrait se consacrer qu’à son seul rôle de chef de parti. Avec la primaire en vue, puis la bataille de la présidentielle et des législatives, le premier secrétaire risque en effet d’avoir du pain sur la planche. Une façon aussi, pour celui qui s’était revendiqué comme l’un des fidèles soutiens du Président, de s’inspirer du renoncement de François Hollande… et de respecter les promesses de renouvellement de la vie politique :
« Lors de sa dernière élection, il avait expliqué que c’était son dernier mandat. Qu’il fallait du renouvellement. Il est temps qu’il respecte sa parole et qu’il passe le flambeau. On ne peut plus se contenter d’agiter le chiffon de l’extrême droite pour que les citoyens votent socialiste. Il faut que nous soyons irréprochables et en accord avec nos paroles.«
Mais sur le terrain, Cambadélis aurait tout fait pour verrouiller l’élection, accuse encore la team Filoche. Tout d’abord en prenant comme suppléant le maire du 19ème, François Dagnaud. « Cela fausse un peu le vote. On n’est plus dans un simple débat pour ou contre la candidature de Cambadélis. Là, voter pour moi, c’est voter contre le maire. Or, François Dagnaud est un bon maire, nous travaillons très bien ensemble », regrette la conseillère de Paris.
Surtout, Léa Filoche et certains militants socialistes du 19ème s’inquiètent de la soudaine hausse de militants PS inscrits pour participer à cette élection interne. Il y a une quinzaine de jours, la section PS de l’arrondissement a en effet fourni aux équipes des deux candidats un fichier rassemblant les noms et contacts des futurs votants. Et, surprise : alors que partout en France, les effectifs socialistes fondent en masse, le document transmis aux candidats s’est pour sa part étoffé d’une centaine de noms depuis le dernier recensement du Congrès de Poitiers, en 2015 ! « Cela nous a interrogés, explique Léa Filoche. On l’a signalé à notre commission électorale qui a fait un début de ménage. De 340 potentiels votants, on est passé à 300. Mais il y a encore des noms qui nous paraissent étranges ». D’autant que cette technique est assez répandue dans l’univers socialiste. Dernier exemple en date, dans le département de la Vienne, où Solférino a dû intervenir face à une soudaine recrudescence des adhésions et poser comme règle que tous les nouveaux adhérents s’étant inscrits à partir du 1er janvier 2016, ne pourront pas prendre part au vote.
Cambadélis lui-même n’est pas étranger à ce genre de subterfuge. En 1988, celui qui a alors quitté depuis deux ans l’OCI trotskiste pour le PS, se cherche une circonscription. Il jette son dévolu sur celle du 19ème, fief du socialiste Alain Billon depuis 1981. Pas de quoi refroidir « Camba », habitué grâce à ses années passées dans les rangs des lambertistes, à élaborer stratégies et petits complots dont les trotskistes français et les mitterrandiens ont le secret. Comme le raconte le journaliste Laurent Mauduit dans son ouvrage A tous ceux qui ne se résignent pas à la débâcle qui vient, l’actuel député de Paris, grâce à l’appui du secrétaire de la principale section socialiste de l’arrondissement, fait adhérer « à tour de bras » des ex-militants de l’OCI qui lui sont fidèles. De quoi lui assurer une victoire lors du vote pour départager les deux prétendants à la députation.
Vingt-huit ans plus tard, bis repetita ? Réponse dans les urnes ce jeudi soir.
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