Tout comme le quinquennat Sarkozy a fait regretter aux Français l’ex-président Chirac, la campagne Fillon pourrait leur redonner très vite le goût du futur ex-président Hollande…
C’est un fait, aujourd’hui, Chirac est devenu tendance. Il est swag. Et il aura fallu assez peu de temps pour que l’ancien président, qui n’a quitté l’Elysée qu’en 2007 après douze ans de pouvoir, ne fasse ses premières apparitions sur des t-shirts, puis des sacs en toile l’été. Remisant dans un coin à part de la mémoire collective, comme s’il s’agissait d’un autre Chirac, celui du « bruit et l’odeur » (1991) ou de ce fameux 5 mai 2002, quand une partie de la France se résout à le réélire, pince à linge sur le nez, pour faire barrage à Jean-Marie Le Pen, lui offrant un score impensable même dans une primaire de la droite (82%).
Mais on aurait tort de croire que Jacques Chirac a atteint la coolitude par un simple effet d’effacement, selon un théorème mathématique qui voudrait que le désir suscité par un président dans l’opinion soit proportionnel à son éloignement de l’Elysée. Valéry Giscard d’Estaing n’a jamais eu cette aura, Mitterrand n’a pas eu le temps et Nicolas Sarkozy, en mettant en scène une pseudo-retraite et un faux suspense quant à son retour, a provoqué l’inverse du résultat escompté : la lassitude par anticipation. Non, si Chirac a provoqué une « mania », c’est par effet de contraste, avec son successeur.
Sarkozy a rendu Chirac branché
Après avoir vécu un quinquennat – le premier de la Ve République, ce qui promettait justement de donner plus de rythme à la vie politique – plus pépère qu’un second septennat de Mitterrand, la France a voulu de l’action. Timing parfait pour un Nicolas Sarkozy. Mais l’agissant s’est avéré agité, shooté à l’écume du quotidien, crispant le débat politique et tendant la France vers ses extrêmes. C’est alors que Jacques Chirac, le débranché du quotidien, est réapparu rassurant, paternel, sage. A en devenir finalement branché.
Au passage, l’aspiration à un président « normal » était née : François Hollande pouvait entrer en scène…
Las, comme dans toute relation passionnelle – et celle que la France entretient avec ses présidents en est une -, l’apaisement tant espéré en 2012 a viré à la platitude quand il s’est concrétisé. Le normal a déçu à son tour. D’autant qu’il n’a pas réenchanté comme promis le rêve français. Est-ce à dire que le bilan de François Hollande est catastrophique ? Non. Dans ce cas, c’est le « bashing » dont il a prétendument fait l’objet de la part des médias qui était gratuit ? Non plus. Ce « Hollande-bashing » n’a été que la chronique d’un désenchantement, nourri par la redécouverte quasi-quotidienne d’un malentendu originel entre ce Président et les Français.
Un quiproquo qui s’était cristallisé le 22 janvier 2012, avec le discours du Bourget… Eh non, le socialiste n’a jamais été cet « ennemi de la finance » qu’il a proclamé ce jour-là, tout conscient qu’il était que pour propulser sa normalité jusqu’à l’Elysée, il fallait tout de même allumer une flamme de gauche. La vérité, qui s’est faite jour au cours de ces cinq ans, est que si Hollande n’a pas suscité d’adhésion une fois élu, c’est qu’il n’incarnait rien. Et s’il n’incarnait rien, c’est que rien ne semblait l’habiter. De l’affaire Leonarda – elle peut revenir mais sans sa famille – au mariage pour tous – les maires auront la liberté de conscience -, le président Hollande s’est montré tellement politique dans ses tentatives de compromis qu’il a fini par ne plus incarner de politique du tout, paraissant subir son quinquennat plus qu’il ne le portait. Sauf, et cela lui a été unanimement reconnu, dans les moments tragiques.
Mais le « hollande-bashing » pourrait virer à la « hollande-mania », bien plus rapidement que pour Jacques Chirac, par la même grâce du contraste…
Fillon est normal, mais il fait habité
Aujourd’hui en effet, puisque Hollande n’a rien incarné, les Français semblent avoir soif d’un retour aux valeurs. Et puisque la normalité a déçu, le pays paraît mûr pour se jeter dans les bras plus musclés de l’austérité. Economique, sociale, sociétale. Et voici que peut apparaître le deus ex machina François Fillon. Ni bling-bling à la Sarkozy, ni pépère à la Juppé, lui choisit d’assumer. A la fois des valeurs catholiques qui dépassent largement ses positionnements passés et une radicalité économique et sociale digne d’un programme de la droite de 1986. Incarner, coûte que coûte. Fillon est normal, mais il fait habité. Et il gagne.
François Hollande, lui, sait qu’il n’est plus en mesure de se représenter et que seule une décision radicale, inédite et par conséquent historique, peut éventuellement sortir la gauche socialiste de l’ornière. D’autant qu’il pressent ceci : par effet de clair-obscur, la campagne de Fillon teintera sans doute sa propre action des tons sépia de la nostalgie. Il n’est pas innocent que son discours d’abdication commence sur le « modèle social » qu’il dit avoir « conforté » : le sortant pense qu’au cours de cette campagne qui s’annonce dure, les Français réaliseront que si lui n’a pas réalisé le grand soir, il aura au moins eu le mérite de préserver des acquis remis en cause comme jamais depuis longtemps par la droite.
De fait, il y a fort à parier que la cote de Hollande remonte dès les cinq prochains mois. Ce qui prépare un paradoxe : alors qu’il a renoncé à se représenter faute d’assise suffisante dans l’opinion, le futur ex-président Hollande pourrait redevenir cool avant même d’avoir quitté l’Elysée. Et l’on peut déjà imaginer, à l’été 2017, une France gouvernée par un Fillon de fer mais arborant, sur ses sacs en toile, le portrait en noir et blanc de son prédécesseur corrézien flanqué d’un « merci pour ce moment ». Swag.
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