Dans le huis-clos d’une prison du Montana, une jeune psychologue tente de percer le mystère de ce prisonnier cinquantenaire. Un ancien flic mais aussi un assassin. Dans « Nobody. Soldat inconnu », Christian De Metter montre toute l’étendue de sa maîtrise narrative et graphique. A lire.
« J’aimerais vraiment savoir qui vous êtes. – C’est simple… un assassin. » Cette amorce de dialogue, entre une jeune femme chargée de réaliser, en 2008, une expertise psychologique et un prisonnier cinquantenaire, musculeux, chevelu et tatoué, dans la pénombre d’une prison du Montana, est aussi celle qui introduit la confession d’un dangereux détenu dans l’album Nobody* de Christian De Metter. Car, s’il est incarcéré pour le meurtre et l’équarrissage de son équipier, cet ancien flic taiseux n’en est pas moins un monolithe mystérieux. Est-il vraiment celui qu’il doit ou croit être ? Ses tatouages bleutés ont-ils été volontairement dessinés ou n’auraient-ils été uniquement choisis que pour lui faire endosser un nouveau rôle, lui donner une nouvelle identité ? Alors, l’homme se raconte.
Sa vie aurait basculé à l’âge de 18 ans, quand, à la suite d’un braquage qui aurait mal tourné, il aurait été recruté par le FBI pour « Cointelpro », un programme d’infiltration de mouvements politiques gauchisants réellement mis en place, dans les années 60-70, par Edgar J. Hoover. Sa première mission : se renseigner sur un groupe de jeunes activistes engagés contre la guerre du Vietnam qui auraient mis la main sur des documents très compromettants remettant en question les « vérités » établies sur l’assassinat de Kennedy. Evidemment, la mort, encore une fois, sera au rendez-vous…
A la manière du Silence des agneaux, en axant le tome augural de Nobody sur le huis-clos de la première rencontre, dense et complexe, entre un homme sans identité et une jeune femme qui cherche à lui en trouver une, Christian De Metter installe un puissant climat de thriller psychologique sur fond de complot politique. Avec cette série en quatre tomes et autant de saisons, aux personnages et ambiances différents, le scénariste et dessinateur lorgne vers la narration télévisuelle spécifique des séries d’anthologie type « True Detective » et « Fargo ». Christian De Metter, après ses versions virtuoses du Shutter Island de Dennis Lehane, du Scarface d’Armitage Trail et du prix Goncourt 2013, le Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre, montre ici toute l’étendue de sa maîtrise narrative et graphique.
Cadrage serré sur les visages, sur les détails d’un tatouage, cases éclatées, couleurs sombres à dominante ocre où éclate le orange menaçant de la combinaison de condamné à mort de l’homme qui prétend n’être personne… Habilement, Christian De Metter joue des pistes et des indices. Et nous condamne, nous, pauvres lecteurs, à la torture, l’attente du prochain épisode.
*Nobody. Soldat inconnu, de Christian De Metter, Soleil, coll. « Noctambule », 75 p., 15,95 €.
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