Dans notre dossier « Un président devrait dire ça », en kiosques cette semaine, des acteurs de la société civile, des syndicalistes ou encore des cinéastes répondent aux confidences de François Hollande, recueillies par Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Ici, Jean-Claude Mailly de Force Ouvrière.
Marianne : « Avec la loi travail, Hollande a entrouvert la porte à Fillon ! » Dans Un président ne devrait pas dire ça, François Hollande note que s’il est en difficulté sur la loi Travail, c’est notamment parce que FO « lui fait la bataille, mobilise les députés frondeurs ». Comment avez vous vécu ce quinquennat ?
Jean-Claude Mailly : François Hollande est peut-être le Président qui parle le plus de dialogue social, c’est aussi celui qui en fait le moins, ou alors version gruyère avec beaucoup de trous ! Comme je l’ai écrit dans mon livre Les apprentis sorciers (1) , il est convivial, disponible, répond toujours aux SMS. Mais il est difficile d’avoir une réponse précise, comme s’il se préservait en ne se dévoilant pas ou en attendant de prendre position. En sortant de son bureau, on se demande toujours ce qu’il va faire, on n’en sait guère plus qu’en entrant. J’en suis venu à me dire que le voir ne sert à rien…
Son quinquennat se caractérise par des ratés et même de l’amateurisme en matière de méthode gouvernementale: consultations partielles et insuffisantes, non respect de l’article L1 du Code du travail qui oblige le gouvernement à produire avant d’engager une réforme sociale un document d’orientation. De ce point de vue, la loi Travail restera dans les annales ! La première version du projet de loi a été publiée dans les médias. Le Président n’a pas répondu à une lettre de sept organisations dans l’action. Le texte a nécessité un triple recours au 49.3 etc…
Citant Victor Hugo, dans votre livre vous notez « la forme c’est du fond qui est remonté à la surface ». Expliquez-nous.
Cet échec de méthode renvoie au fait que ce quinquennat, au fond, se sera contenté de doser des potions libérales. Applicable immédiatement sur la durée du temps de travail, l’inversion de la hiérarchie des normes (l’accord d’entreprise prime sur l’accord de branche, ndlr), pourrait s’étendre à tous les domaines du Code du travail. L’opposition actuelle, François Fillon en tête le promet déjà. Hollande a entrouvert cette porte.
Surtout il a fait glisser à droite tous les curseurs politiques du pays. En janvier 2015, sans un mot pour garantir le financement de la protection sociale collective, il a annoncé la transformation du CICE en baisse durable des cotisations patronales. Certes, il promettait des contreparties. Mais l’enfumage était manifeste puisque seules des aides ciblées sur l’emploi, l’investissement ou la recherche et le développement, peuvent être l’objet de contreparties en terme d’embauches, d’investissement. Et remboursées lorsque le contrat n’est pas respecté.
Face à la montée des populismes, vous avez avec Hollande un autre désaccord de fond…
Le Président pense que les populismes prospèrent surtout sur « les questions identitaires ». Selon moi, ce qui se joue en France comme en Europe, ce sont les questions économiques et sociales. Je ne crois pas à la théorie du ruissellement selon laquelle des entreprises enrichies finissent par investir, puis embaucher des pauvres. FO estime donc, avec tous les syndicats affiliés à la CES-la Confédération européenne des syndicats, qu’il faut sortir de la logique austéritaire : investir, négocier collectivement. Or même sur une augmentation significative des salaires, dont le Smic, François Hollande ne s’est guère montré ouvert. Début 2015, je lui avais présenté plusieurs demandes accessibles. «Je viens avec ma to do list », lui dis-je en arrivant. «C’est quoi? » me demande François Hollande. «Ma liste de revendications.» Je les énumère : augmentation du Smic, loi Warsmann, aides ciblées. Je lui demandais de relancer la négociation dans les branches où les salaires les plus bas sont inférieurs au Smic. Il ne me répond pas. J’avais l’accord du ministre du Travail François Rebsamen, j’insiste. On me dit « le président va te répondre». Et je reçois une lettre: une fin de non-recevoir. Typiquement François Hollande ! La seule fois où il m’a donné une réponse précise, c’est lors de notre dernier entretien. Je plaidais pour d’ultimes changements dans la loi Travail. « On a un accord avec la CFDT» m’a-t-il répondu.
(1) Les Liens qui Libèrent, 111 pages
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