Après le renoncement de Hollande, le plus dur est à venir pour Valls

Alors que cela faisait plusieurs semaines que Manuel Valls menait une campagne médiatique, et militait en coulisses, pour convaincre François Hollande de ne pas se représenter, le Premier ministre a désormais la lourde tâche de rassembler son camp, et de défendre le bilan du quinquennat, qui est également le sien. Et pour l’ambitieux, rien n’est gagné. Première étape : remporter la primaire face aux autres candidats de gauche…

« La voie est enfin dégagée pour l’Elysée ! », savoure en ce jeudi soir un proche du Premier ministre. Car la présidence de la République, Manuel Valls y pense depuis longtemps. Déjà en 2011, il se présentait à la primaire citoyenne du PS. Son résultat, modeste, l’amena à être qualifié par ses ennemis de « Monsieur 5 % ». En se présentant, il mit toutefois un pied dans l’aventure présidentielle. Déjà, en poste comme conseiller à la communication de Lionel Jospin entre 1997 et 2002, il put se familiariser avec le fonctionnement de l’Etat au plus haut niveau. Son destin, pense-t-il dès cette époque, passe forcément par les palais de la République. Et, bien sûr, l’Elysée.

Discours post attentats

Pourtant, quand il devient Premier ministre à son tour en 2014 pour remplacer le soldat Ayrault bien mal en point, il décide très tôt de rabattre ses ambitions au rayon du passé. Du moins, en apparence. Son équipe de fidèles grognards qui le suit depuis une dizaine d’années, depuis qu’il a conquis la mairie d’Evry, fait tout pour expliquer que « les relations avec le PR sont excellentes », que « Manuel Valls a le sens de l’Etat », qu’il sera « loyal jusqu’au bout ». Mais devant les difficultés d’Hollande, Valls ne peut s’empêcher de se laisser prendre au jeu. « En réalité, Manuel est en mouvement depuis bien longtemps. Il a eu véritablement un déclic avec son discours sur la République post-attentats du 7 janvier à l’Assemblée Nationale, estime l’un de ses soutiens. Il s’est dit à ce moment là “pourquoi pas moi ?”. Il se mettait d’égal à égal avec Hollande ». Un discours qui sera d’ailleurs publié sous la forme d’un petit livre. Manière supplémentaire de présidentialiser dans les roues d’un Président bien en peine.

Face à Macron, le temps presse

Car, pour le Catalan, le temps presse en ce début 2015. Son jeune ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, propulsé à son poste lors du remaniement post  « cuvée du redressement productif », va devenir très vite au fil des semaines un sérieux concurrent sur son propre créneau historique, « le social-libéralisme ». « Finalement, avec Macron, Hollande a trouvé le meilleur moyen de neutraliser Valls », estime un proche du Premier ministre. Dès lors s’ouvre une séquence régalienne pour Manuel Valls, accentuant son ton martial et autoritaire à l’occasion des attentats. Officiellement, sur le mode : je reste loyal à l’égard du chef de l’Etat, pas comme le traître Macron. Mais, en coulisses, tous les coups sont permis. La guerre est déclarée. Plus Hollande est faible, et plus le Catalan attaque. D’abord contre Christiane Taubira qui avalera « de nombreuses couleuvres », selon une de ses amies, avant de démissionner avec fracas du gouvernement. Mais également à l’encontre d’Emmanuel Macron, l’empêchant d’obtenir la « majorité d’idée » que le jeune impétrant appelait de ses vœux au Parlement.

Plus Hollande est faible, plus le Catalan attaque.

L’appel de Colomiers, ou la posture du recours

Pendant le printemps, Manuel Valls doit pourtant ronger son frein. Car François Hollande multiplie les signes de ses ambitions futures. Mais pour le chef de l’Etat, rien ne se passe comme prévu à la fin de l’été. Dans les jours précédents la rentrée politique des socialistes à Colomiers fin août, l’un de leur fief du sud ouest, ça tangue sec au Château et chez les hollandais historiques. Les premiers livres de journalistes remplis de confidences du président viennent d’être publiées. Et les polémiques enflent sur les plateaux télés : est-ce le rôle d’un président de la République de parler autant à des journalistes ? De prendre autant de rendez-vous avec eux ?  Et si le Président de la République avait lui-même transmis des pièces confidentielles aux investigateurs du quotidien du soir qui publient alors une série d’articles annonçant leur prochain livre ?

Au gouvernement, tout le monde chuchote cette interrogation, le malaise est palpable. Notamment pour Jean-Yves Le Drian. C’est alors qu’Emmanuel Macron va accélérer sa sortie du gouvernement. Le soir précédent la démission du ministre de l’Economie, Valls va emprunter le costume du « rassembleur », et prend la posture du recours devant les socialistes réunis à Colomiers : « Je suis le Premier ministre, mais je suis libre de participer à vos débats », affirme-t-il alors. Concluant, en fin de discours : « On ne s’improvise pas candidat à l’élection présidentielle (…) J’ai mon éthique de comportement. Il faut de la responsabilité, de la loyauté – elle ne m’entrave pas. La déloyauté, elle, nous blesse tous. Il faut donc de l’exigence ! » Valls prévient alors les militants socialistes si légitimistes : sa « loyauté » ne l’entrave pas. Y compris donc à l’égard du Président de la République : « La gauche peut l’emporter, mais elle doit, elle a le devoir impérieux, de l’emporter ! A condition de fondre son destin avec celui de la France ». Des paroles d’un présidentiable.

« Manuel est toujours dans le rapport de force »

Pour autant, Manuel Valls, malgré ses efforts de ses dernières semaines pour jouer un PS uni autour de sa personne, reste une personnalité clivante : « Manuel est toujours dans le rapport de force, il n’est pas aimé dans le parti. Et aux yeux de la gauche, il n’est pas l’enfant chéri. Valls est un destructeur. Mitterrand avait l’habitude de dire “pour être aimé, il faut être aimable” », se rassurait il y a quelques jours un proche d’Hollande. « Manuel Valls théorise les gauches irréconciables », attaque d’ailleurs, dès ce 1er décembre au soir, le socialiste Benoît Hamon, candidat à la primaire. La faute, notamment, à la gestion désastreuse de la majorité par ses fidèles lieutenants, le brutal Jean-Marie Le Guen, le secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement, alias « le ministre des tensions », selon un député, et le retors Yves Colmou, son conseiller à Matignon chargé des élus.

Chez les parlementaires, les SMS d’insultes et de menaces ont laissé des traces, façon « Manuel saura s’en souvenir ». Les engueulades directes du Premier ministre également. Ou encore les recadrages en public, les humiliations même, sur la loi Macron, la loi Travail, ou le projet de déchéance de nationalité. « Jamais je ne voterai pour Valls », nous annonçait il y a quelques jours un poids lourd d’une fédération PS. « Dans la minute où Valls est candidat, Taubira l’est », s’amuse aussi un socialiste. « Dans tous les cas, Martine Aubry propulsera un candidat contre Valls s’il décide à se présenter à la primaire », estime un autre.

Justement, la maire de Lille, qui a rassemblé ses troupes et ses alliés le week-end dernier à Bondy en région parisienne, pour le moins silencieuse ces derniers jours, compte bien barrer la route à un Premier ministre qu’elle exècre depuis toujours. Depuis le congrès de Poitiers, qui l’a vu soutenir la motion A, majoritaire, légitimant Hollande contre les frondeurs, Aubry a toujours joué le chef de l’Etat face à son Premier ministre. À Bondy, elle a d’ailleurs recadré vertement Claude Bartolone, le président de l’Assemblée nationale, qui avait émis l’idée qu’Hollande et Valls se présentent tous deux à la primaire : « Tu nous emmerdes ! ».

Pour autant, les socialistes, déboussolés par la décision de François Hollande de ne pas se représenter, pourraient choisir le choix le plus « légitimiste », comme nous le confie un député proche d’Aubry : « Quand j’ai les mêmes désaccords avec tous les candidats “sérieux”, je prends le plus solide. J’aurais tellement aimé pouvoir refaire campagne pour Martine… ». Et dans ces conditions, si Valls réussissait à remporter la primaire, il pourrait assurer au PS une défaite digne avant de prendre la main sur le parti. Comme un certain Lionel Jospin en 1995…

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