1er décembre 2016, l'abdication de François Hollande

Comme son mentor Jacques Delors en son temps, François Hollande a préféré se retirer devant l’échéance présidentielle. Une retraite qui vaut aveu d’échec. Une lucidité, un abandon de ses ambitions personnelles, qui doit être saluée.

Triste comme un enterrement. Digne comme une de ces nombreuses commémorations funèbres qui auront endeuillé son quinquennat. Emouvante comme une cérémonie d’adieu. L’allocution officielle prononcée par le chef de l’Etat le 1er décembre 2016 entre dans l’Histoire. François Hollande, lui, sort de scène. Il est en effet le premier président de la Vème République qui renonce à tenter de conquérir un second mandat.

Il a fait cette annonce inédite au bout, tout au bout d’une déclaration de près de dix minutes d’un argumentaire dont l’issue aurait pu être…  exactement inverse. Car François Hollande a d’abord défendu pied à pied son bilan, revendiquant ses réussites, sa résistance face aux épreuves du « terrorisme islamiste », ses « résultats » qui « arrivent » dans la lutte contre le chômage, et ne concédant qu’un seul regret, « la déchéance de nationalité » qui a « divisé le pays » alors qu’il espérait qu’elle « l’unifie ». Et puis, au terme de cet auto-satisfecit prononcé d’une voix parfois un peu tremblante, la mine sombre, le regard vide, le chef de l’Etat a donc abdiqué ses ambitions.

François Hollande est bien le fils caché de Jacques Delors, ce premier mentor qu’il servit à l’amorce de son ascension. Il y a 22 ans presque jour pour jour, c’était le 11 décembre 1994, l’ancien président de la Commission européenne renonçait à se présenter à l’élection présidentielle au terme d’une heure d’émission télévisée tout au long de laquelle ses arguments pouvaient augurer de l’issue inverse.

Le fils caché de Jacques Delors

Face à Anne Sinclair qui présentait 7/7, Jacques Delors avait développé ce qui ressemblait à un projet pour la France… avant d’estimer qu’il n’aurait pas les moyens de mener à bien à cette politique et de jeter l’éponge. L’ancien ministre des Finances de François Mitterrand n’était toutefois pas chef de l’Etat sortant mais tout juste candidat putatif. Surtout, Jacques Delors apparaissait alors comme le grand favori du scrutin présidentiel prévu cinq mois plus tard selon les sondages. Ces mêmes enquêtes d’opinion promettaient à l’inverse à François Hollande la cinquième place au premier tour de l’élection avec un score dérisoire de 8 à 9 % des suffrages. Le défi était impossible à relever. Lucide, une qualité qu’il a d’ailleurs revendiqué hier soir, le chef de l’Etat s’est dit « conscient des risques que ferait courir » sa candidature « qui ne rassemblerait pas largement autour d’elle ».

C’est donc une fois encore au nom de ce « rassemblement » dont il a fait la boussole de son engagement, et qui ne se bâtissait plus que contre lui, que François Hollande a décidé de quitter la scène. Le calcul, le cynisme, et le mépris ne faisaient donc pas tout de cet homme parfois injustement caricaturé. La force et la sérénité qu’il avait su dégager lors des sanglants attentats islamistes qui ont ensanglanté notre pays avait déjà laissé entrevoir une autre dimension du personnage. Un autre que lui, son prédécesseur peut-être, n’aurait sans doute pas trouvé les mots justes, apaisants et rassembleurs capables d’éviter que le pays ne se fracture davantage, verse dans l’hystérie, voire sombre dans la guerre civile.

Le seul fait d’avoir pris conscience de cette dure réalité doit être mis au crédit de HollandePour autant, la retraite de François Hollande vaut aveu d’échec, et même de déroute. Il laisse son camp dans un état de faiblesse inédit et traversé de divisions profondes. Son quinquennat restera pour l’histoire de la gauche au pouvoir comme un traumatisme, une interminable tragédie qui aura laissé dans son sillage de terribles dégâts humains et politiques.

Toutefois, le seul fait d’avoir pris conscience de cette dure réalité doit être mis au crédit de François Hollande. Quand tant de responsables politiques tenaillés par une soif de pouvoir toujours inassouvie font le combat de trop au risque de soumettre le destin de leur pays à leur seule ambition personnelle, la décision de François Hollande doit être saluée sans retenue.

Gageons d’ailleurs que sa funeste cote de popularité, ce boulet qui l’entrainait par le fond depuis de longs mois, ne va pas tarder à remonter dès lors qu’il prend sa retraite politique. Héritier de Jacques Delors, François Hollande marche en cette matière sur les traces de Jacques Chirac, honni à sa sortie de l’Elysée et vénéré dix ans plus tard.

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