Pourquoi Cohn-Bendit ne peut plus tutoyer Mélenchon

Durant la soirée électorale qui a suivi la victoire de François Fillon à la primaire de la droite, une altercation inattendue a eu lieu. Jean-Luc Mélenchon a refusé que Daniel Cohn-Bendit le tutoie et ce dernier l’a invité à « aller se faire voir ». « La camaraderie n’avait pas lieu d’être », décrypte-t-on dans l’entourage du candidat à la présidentielle.

Même durant une primaire de droite, la gauche peut se quereller. La scène s’est déroulée ce dimanche 27 novembre sur France 2. En plateau, Daniel Cohn-Bendit est invité pour commenter la large victoire de François Fillon lors de la primaire. Laurent Delahousse annonce que Jean-Luc Mélenchon est en duplex pour qu’il puisse à son tour donner son avis sur la désignation du champion de la droite. Le fondateur de la France insoumise salue ce nouveau candidat, futur adversaire, et s’enthousiasme à l’idée de pouvoir débattre avec lui. Là-dessus, le présentateur propose à Cohn-Bendit d’interpeller Mélenchon. Il ne se fait pas prier : « Jean-Luc ! Si tu te présentes à la primaire, tu peux la gagn… » Il n’a même pas terminé sa phrase que la riposte de Mélenchon fuse, sèche : 

« Monsieur Cohn-Bendit, est-ce que vous pouvez m’appeler par mon nom et pas par mon prénom, s’il vous plaît ? Nous ne sommes pas amis, vous le savez. Ne jouons pas la comédie. »

Réponse vexée de l’ancien eurodéputé : « Roh là là… Va te faire voir. »

Cette altercation crée un beau malaise sur le plateau. Cohn-Bendit, pour sa part, tourne le dos à l’écran en lui adressant un geste de la main dédaigneux. Seul Mélenchon arbore un grand sourire, manifestement ravi d’avoir agacé son interlocuteur si facilement. « Allons, monsieur Cohn-Bendit… Gardez votre calme, ça vaudra mieux pour tout le monde ! »

L’habitude du tutoiement

Par le passé, Jean-Luc Mélenchon a déjà eu l’occasion de réfléchir tout haut sur le tutoiement entre les hommes politiques. C’était le 5 octobre 2009, alors qu’il était invité à débattre avec Frédéric Lefebvre sur le plateau du Grand Journal.

« Le tutoiement est très mal ressenti. Là, nous sommes dans un rôle public : monsieur Lefebvre représente des gens qui sont de sa condition et moi de la mienne. Ceux qui nous regardent vivent mal le fait que l’on mélange les genres. Donc quand je le tutoie, c’est une erreur. »

Cependant, en ce qui concerne Daniel Cohn-Bendit, le tutoiement avait toujours été de mise. C’est ce qui ressort de la soirée électorale du 7 juin 2009 durant laquelle les deux hommes s’étaient retrouvés sur le plateau de France 2. C’est ce que l’on entend également dans cette émission de France Inter qui les avait réunis en décembre 2009 :

Dès lors, comment se fait-il que le tutoiement soit devenu intolérable aux oreilles de Jean-Luc Mélenchon ? Pour Eric Coquerel, un de ses bras droits, les deux hommes ne peuvent plus être « camarades ».

« Le Cohn-Bendit de 2009 n’est pas le même qu’aujourd’hui : il est devenu le porte-parole du système. Par conséquent, je comprends que Jean-Luc Mélenchon ait voulu remettre de la distance entre eux. Moi-même, il m’est déjà arrivé de me trouver face à Cohn-Bendit et qu’il me tutoie. C’est toujours étrange et on a immédiatement envie d’utiliser le vouvoiement pour lui signifier que la camaraderie n’a pas lieu d’être.« 

« Ça fait des mois qu’il le traite de facho »

Il est vrai que, depuis que Mélenchon a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle et qu’il a lancé le mouvement de la France insoumise, Cohn-Bendit ne l’épargne pas. Le 19 juin dernier, sur le plateau de TV5 Monde, il le qualifiait de « poule mouillée ». « Il ne participe pas à la primaire de la gauche car il sait qu’il n’est pas aussi grand et aussi fort qu’il le dit. (…) Aujourd’hui, son seul rêve, c’est de faire mieux que Hollande. » En mars dernier, au micro de RMC, il critiquait vertement son implication au Parlement européen. « Mélenchon n’est pas du tout actif au Parlement. Le mec écrit son blog, il prend le fric et il se taille. Il s’en fout de l’Europe, il est contre. Tout ce qui l’intéresse, c’est devenir président même s’il n’y arrivera jamais. » Autant de sorties qui ont nourri la froideur manifestée par Mélenchon sur le plateau de France 2.

« Cohn-Bendit a voulu marquer une sorte de connivence qui n’existe pas, confirme Alexis Corbière, le porte-parole de Mélenchon. Ce type n’est absolument pas un ami. La preuve : ça fait des mois qu’il le traite de facho et qu’il l’accuse d’être l’ami de tous les dictateurs du monde. En refusant fermement le tutoiement, Jean-Luc Mélenchon a fait le choix de ne pas verser dans l’hypocrisie« . Mais que l’on se rassure, Daniel Cohn-Bendit l’a promis : le désamour affiché par Mélenchon ne l’« empêchera pas de dormir ».

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