Comment Fillon a gagné le coeur de la droite

Alors que personne ne l’attendait au départ, François Fillon a créé la sensation en raflant la victoire à la primaire de la droite ce dimanche 27 novembre. Retour sur les instants décisifs d’une campagne longtemps passée sous les radars, mais qui a pourtant fini par faire mouche auprès de l’électorat de droite.

« Nous sommes tous des chrétiens d’Orient »

Le 23 juin 2015, François Fillon patine dans la campagne pour la primaire lorsqu’il organise au Cirque d’hiver, à Paris, une grande soirée de soutien aux chrétiens menacés par le groupe Etat islamique en Irak et en Syrie. « Nous sommes tous des chrétiens d’Orient ! », tonne sous les applaudissements l’ancien Premier ministre, qui était allé à leur rencontre au Moyen-Orient l’été précédent. Elus de droite et prélats se côtoient sans complexe et la soirée se conclut même par un « Notre père » chanté en araméen. Un tel méli-mélo politico-religieux, il fallait oser… Mais François Fillon saura en profiter plus tard auprès d’un électorat catholique très courtisé par les candidats. En août 2016, il enregistre le ralliement du mouvement Sens commun, émanation de la Manif pour tous, qui met à son service des réseaux tissés depuis trois ans.

 

« Qui imagine le général de Gaulle mis en examen ? »

Le 28 août 2016, alors que les deux favoris Alain Juppé et Nicolas Sarkozy font leur rentrée politique en même temps que lui, François Fillon parvient à se démarquer par cette petite phrase lancée devant ses partisans, dans son fief de Sablé-sur-Sarthe : « Qui imagine un seul instant le général de Gaulle mis en examen ? » Une attaque claire contre Nicolas Sarkozy, mais qui ne doit pas non plus très agréablement sonner à l’oreille d’Alain Juppé, condamné par la justice en 2004. Sur le coup, la saillie sème le trouble, y compris chez les fillonistes. « Quelques-uns dans l’équipe étaient mal à l’aise », confie alors un membre du premier cercle. Pourtant, après coup, force est de constater que la pique n’était pas inutile. Non seulement elle lui a permis d’exister au début de la campagne malgré des sondages en berne, mais elle est restée un fil conducteur de son argumentation. Depuis, François Fillon ne cesse en effet de marteler que, lui président, un ministre mis en examen devra démissionner. La « République exemplaire », ça ne vous rappelle rien ?

 

« Vous avez déjà décidé que le deuxième tour était joué »

Le 27 octobre, François Fillon est l’invité de l’Emission politique en prime time sur France 2. Toujours à la traîne dans les enquêtes d’opinion, le candidat détonne par une prestation nette, ferme et sans bavure. Alors que les journalistes abordent le sujet des sondages, l’ancien Premier ministre s’insurge de ce que la seule hypothèse testée au second tour soit un duel Juppé-Sarkozy : « C’est quand même bizarre, vous avez déjà décidé avant même d’avoir dépouillé le premier tour que le deuxième tour était joué. » Sur le plateau, le public applaudit, ce qui n’arrive pas souvent – même s’il est, ce soir-là, surtout composé de supporters fillonistes. La séquence rappelle le « Circulez, il n’y a rien à voir ! » lancé en janvier 1995 par Philippe Séguin à des partisans de Jacques Chirac, très mal parti dans les sondages face à Edouard Balladur. Philippe Séguin, l’un des mentors en politique de François Fillon, qui n’a pas oublié son art des petites formules qui font mouche…

Fillon applaudi par le public de #LEmissionPolitique : il conteste les sondages qui prédisent son absence du 2nd tour pic.twitter.com/qEV5I3ovFI

— franceinfo plus (@franceinfoplus) October 27, 2016

 

« Je ne peux pas comprendre les gens qui ne pensent qu’à la politique »

Le 6 novembre, 2,6 millions de téléspectateurs regardent François Fillon en train de converser sur un canapé avec Karine Le Marchand, l’animatrice de L’amour est dans le pré. Peu expansif sur sa vie privée, il tient habituellement en horreur les émissions de divertissement. Mais l’ex de Matignon a fait une exception pour Une ambition intime, ce programme de M6 dans lequel les prétendants à l’élection présidentielle sont invités à se confesser. Les Français découvrent ainsi un François Fillon détendu, voire drôle, racontant avec force anecdotes ses passions pour la course automobile, la photo ou les drones. « Je ne peux absolument pas comprendre les gens qui ne pensent qu’à la politique du matin au soir, glisse-t-il au passage. Ce sont des obsédés et pas des gens équilibrés. » Après le premier tour, François Fillon estimera dans le Parisien qu’Une ambition intime a « incontestablement » joué en sa faveur : « Si j’en juge par le nombre de réactions, c’est énorme. »

 

« On n’est pas des commentateurs, on est là pour parler aux Français »

Le 17 novembre, lors du dernier débat avant le premier tour de la primaire, François Fillon marque les esprits en s’insurgeant contre David Pujadas. « Vous êtes en train de nous couper la parole sur des sujets absolument fondamentaux », s’exclame-t-il. « On n’est pas des commentateurs, on n’est pas là pour s’interpeller les uns entre les autres, on est là pour parler aux Français. » Et de dénoncer le « spectacle » que réclameraient les journalistes aux politiques. Un couplet anti-médias désormais bien rôdé, qui n’est sans doute pas pour rien dans son succès.

 

« Alain Juppé ne veut pas vraiment changer les choses »

Jeudi 24 novembre, François Fillon et Alain Juppé s’affrontent en duel à la télévision, à trois jours du second tour. Ils s’écharpent notamment sur la durée du travail dans la fonction publique : François Fillon veut la porter à 39 heures payées 37, ce qu’Alain Juppé ne trouve « pas juste ». Son rival assène alors : « C’est un point fondamental, parce que ça veut dire en fait qu’Alain Juppé ne veut pas vraiment changer les choses. Il s’inscrit dans un système, il veut l’améliorer, il veut lui apporter un certains nombre de modifications. Moi, je considère que ces modifications ne permettront pas le redressement du pays. Si on veut que le pays se redresse, il faut que tout le monde fasse un effort supplémentaire. » Une thérapie de choc à base de sang et de larmes : jusqu’au bout, François Fillon aura martelé son credo thatchéro-churchillien qui s’est finalement révélé payant.

 

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