"Caricature", "inquisition"… le bouclier anti-questions qui fâchent de Fillon

Depuis qu’il critique frontalement les journalistes, François Fillon ne cesse d’attirer de nouveaux électeurs. Lors du débat d’entre-deux tours jeudi soir comme ce 25 novembre sur RTL, il a fustigé à plusieurs reprises les « caricatures » de ses interlocuteurs et s’est insurgé contre le « tribunal de l’inquisition » l’interrogeant sur l’avortement. Une manière de dévaloriser les questions qui fâchent.

Sous ses sourcils broussailleux, il a le regard noir. Ce 28 octobre, François Fillon vient d’écouter la chronique de l’humoriste Charline Vanhoecker, censée conclure l’Emission politique, le programme-débat de France 2 auquel le candidat à la primaire de la droite vient de participer. Invité à donner son avis, il cingle sans desserrer les mâchoires : « Je ne suis pas totalement convaincu que ce soit parfaitement approprié de conclure de cette manière une émission politique où on parle de sujets qui sont très difficiles. » Trois jours plus tard, François Fillon prend 5 points dans les sondages : il passe de 12% à 17%. Depuis, il ne cesse de vilipender les médias… ce qui lui réussit incroyablement.

Au cours du dernier débat entre les candidats à la primaire, le 17 novembre, François Fillon se livre à une nouvelle diatribe contre les journalistes. Il reproche à France 2 de demander aux candidats de s’adresser les uns aux autres : « On n’est pas des commentateurs, on n’est pas là pour s’interpeller les uns les autres. C’est tout le problème de la conception que vous avez de plus en plus de ces débats, une conception en termes de spectacle et pas en termes de fond. » Le dimanche 20 novembre, au premier tour, il réussit une percée extraordinaire en réunissant 44,1% des voix.

« Encore la caricature, on va y avoir droit toute la soirée »

Alors, depuis, François Fillon poursuit dans sa veine anti-médias. Il en fait même une technique rhétorique de réponse aux questions les plus désagréables. Ce jeudi 24 novembre, lorsque la journaliste de France Inter Alexandra Bensaïd le questionne sur son programme de réforme de la sécurité sociale en suggérant qu’il augmentera les inégalités, le candidat s’emporte : « Gardez vos caricatures pour vous !«  Sur le fond, il ne répond cependant pas précisément.

Même chose quand le journaliste de TF1 Gilles Bouleau l’interroge sur l’augmentation du temps de travail hebdomadaire qui figure dans son programme – jusqu’à 48 heures par semaine – : « Ça y est, encore la caricature, on va y avoir droit toute la soirée« , balaye François Fillon. Le candidat écarte la possibilité que ce soit cette durée maximale qui soit retenue lors des négociations en entreprise :

« Est-ce que vous imaginez sincèrement que dans une belle entreprise comme TF1 que les salariés à la majorité vont lever la main pour travailler 48 heures. Donc évidemment que ça ne se passera pas. Et poser la question comme ça, c’est comme beaucoup d’autres sujets, c’est caricaturer quelque chose qui au contraire est extrêmement moderne« .

Depuis la loi sur la sécurisation de l’emploi de 2014, les employeurs peuvent pourtant conditionner le maintien de l’emploi à des réformes du temps de travail dans l’entreprise.

Ce vendredi 25 novembre, le favori du second tour de la primaire à droite utilise le même procédé sur RTL. La journaliste demande des précisions sur ce que pense François Fillon de l’avortement ? « Le tribunal de l’inquisition, ça suffit !« , s’offusque le député de Paris. « On a assisté à un déchaînement ridicule du petit microcosme parisien qui croit tout savoir« , explique-t-il en faisant référence à Pierre Bergé, l’entrepreneur du luxe et co-propriétaire du Monde, qui a comparé les électeurs de François Fillon à « la France pétainiste« . Après avoir rappelé qu’il ne souhaite pas modifier le cadre légal, le candidat coupe court : « Je ne vais pas tous les jours répondre à une question qui n’aurait jamais dû être posée. » Tant pis pour ceux qui souhaitaient connaître plus précisément sa position sur la question.

En tançant de la sorte les journalistes et les élites quand on lui pose une question difficile, le député de Paris surfe sur une vague qui a réussi à Nigel Farage au Royaume-Uni ou à Donald Trump aux Etats-Unis. La martingale gagnante pour le second tour de la primaire ?

 

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