Alors que la primaire à droite fait le plein d’électeurs – plus de 4 millions de votants au premier tour ,- au Parti socialiste, les partisans de la primaire à gauche trépignent d’impatience. Et attendent désespérément que François Hollande arrête enfin sa décision.
Etrange paradoxe. Avec plus de 4 millions d’électeurs qui se sont déplacés dans les isoloirs au premier tour, la droite, dont l’exercice de la primaire n’est pas franchement ancré dans l’ADN, a donné une belle leçon de démocratie à la gauche socialiste. Et au PS, les tenants d’une primaire à gauche en sont presque jaloux, piqués à vif par cette démonstration de force.
« Il ne faudrait pas que la nôtre se résume à une primaire confidentielle »« Cela nous lance un vrai défi démocratique », reconnaît Christian Paul, député de la Nièvre et soutien d’Arnaud Montebourg. Un défi sur lequel le parlementaire compte bien s’appuyer pour continuer de pousser la primaire de la gauche. « C’est un défi aussi pour les organisateurs de notre primaire. Avec des débats finalement très consensuels, la droite a attiré 4 millions de votants. Il ne faudrait pas que la nôtre se résume à une primaire confidentielle », analyse-t-il. Une inquiétude que partage Arnaud Montebourg, qui l’a fait savoir dans une lettre envoyée ce lundi à la Haute autorité éthique chargée de son organisation :
« À quelques semaines des primaires citoyennes des 22 et 29 janvier, je tenais à vous faire part de mes inquiétudes quant aux conditions d’organisation de ce scrutin. Le risque d’un rétrécissement et d’un amoindrissement de ce grand moment démocratique est réel (…) Aucune campagne de communication (…) n’a été lancée (…), les dernières informations communiquées aux instances d’organisation des primaires font état d’à peine 7.000 bureaux de vote et non des 8.000 promis. »
« On leur a donné quelques coups d’aiguillons. Non pas dans un esprit polémique mais pour relancer la machine », explique Christian Paul. Car s’il admet que « 80% des points d’organisation sont réglés, comme l’argent », il y a encore une nécessité « de rendre la primaire de la gauche vivante ».
« La primaire de la gauche n’est pas dans la tête des gens », admet à regret Jérôme Guedj, ancien président du Conseil général de l’Essonne et figure de l’aile gauche du PS. Pour une raison évidente. Plus qu’un moyen de choisir un champion, cette primaire est avant tout un compromis pour « solder les divergences survenues à gauche durant ce quinquennat et clarifier la ligne ». Et si pour le moment, l’alternative à la position « sociale-libérale » de François Hollande est largement représentée (Gérard Filoche, Benoît Hamon, Marie-Noëlle Lienemann et Arnaud Montebourg), il n’y a personne en face.
« C’est la carte maîtresse de Hollande. Il est le maître du temps et il en joue à fond », analyse un Solférinien.
« Le succès dépend aussi du casting », regrette Guedj. Même réflexion de la part de Christian Paul : « Ce qu’il manque, ce sont des candidats issus du bloc gouvernemental ». Et d’assumer son impatience : « Il faut que l’acte de candidature arrive maintenant, de Hollande ou Valls. Je ne cache pas que je piaffe qu’on entre enfin en piste par souci de clarté. On a bien compris que le Premier ministre avait des fourmis dans les jambes ».
« J’espère que Hollande ne se déclarera pas à la dernière minute »Il ne croit pas si bien dire. « On n’est plus dans la même considération qu’il y a quelques semaines, là, Manuel est sûr qu’il veut y aller », confie ainsi l’un de ses proches. « Il en parle et l’assume très facilement », ajoute-t-il. Seule l’empêche cette fameuse « loyauté » envers le président de la République que le chef du gouvernement revendique fièrement. « Un carcan », selon ce vallsiste, que certains dans son entourage voudraient bien voir voler en éclat. « On est quelques uns à lui conseiller d’accélérer. Soit par une initiative pour dire à Hollande qu’il ne peut plus se présenter. Soit en se déclarant avant le président ou, même si Hollande décide d’aller à la primaire, de se présenter aussi », explique ce proche du Premier ministre. Mais pour le moment, l’intéressé reste silencieux face à ces incitations. Et Hollande continue de son côté de laisser planer le doute. « J’espère qu’il ne se déclarera pas le dernier jour, à la dernière minute », grogne un socialiste.
Et si Hollande, prenant exemple sur Emmanuel Macron, décidait d’ici le 15 décembre – dâte limite de dépôt des candidatures – de se présenter mais en dehors de la primaire… Un scénario catastrophe que quelques uns ont déjà en tête. « Le débranchage de la primaire par Hollande ? Oui, c’est une hypothèse possible », frémit l’un d’entre eux. « Hollande en dehors de la primaire, c’est la solitude garantie ! Ceux qui le suivraient ne seraient qu’un carré de fidèles », rétorque Christian Paul, dans un mélange d’énervement et d’inquiétude. Et d’ajouter :
« L’avion socialiste avec Hollande, c’est une aile gauche qui part chez Mélenchon et l’aile droite qui part avec Macron. La primaire, c’est le seul moyen de remettre du kérosène dans l’aéronef. »
Sauf si comme le chef de l’Etat, on considère qu‘ »il faut un acte de liquidation », « un hara-kiri » pour le PS, comme il l’expliquait doctement aux deux journalistes du Monde dans leur livre Un président ne devrait pas dire ça…
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