Un projet de loi sur la légitime défense, dont la principale nouveauté consisterait à définir un régime commun d’usage des armes pour les policiers et les gendarmes, pourrait être examiné par le Parlement dès le mois de janvier. Des nouvelles dispositions critiquées par la plupart des organisations syndicales…
Bousculé par les manifestations à répétition de la base policière, Bernard Cazeneuve se devait de reprendre la main. Les réunions de « concertation » battent leur plein sur le terrain, en dehors des canaux syndicaux habituels, débordés par ce mouvement, pour tenter de faire oublier le jour où le directeur général de la police a été conspué par des manifestants, à Evry (Essonne), à la mi-octobre, quelque jours après l’attaque au cocktail Molotov de quatre policiers à Viry-Châtillon. Le ministre de l’Intérieur rappelle chaque fois qu’il le peut les 250 millions d’euros qu’il vient d’obtenir pour améliorer les conditions de travail des plus de 100.000 policiers.
Il a désormais un autre cadeau à offrir : la mission mise en place autour d’Hélène Cazeaux-Charles, une magistrate, ancienne du cabinet de Manuel Valls, vient d’accoucher d’un projet de loi sur la légitime défense dont la principale nouveauté consisterait à définir un régime commun d’usage des armes pour les policiers et les gendarmes. A l’heure actuelle, les policiers peuvent utiliser cette arme en cas de légitime défense, sous conditions. Les gendarmes, eux, ont plus de flexibilité pour être autorisés à tirer.
Présenté en conseil des ministres à la veille de Noël, le texte pourrait être examiné par le Parlement dès le mois de janvier, en procédure accélérée, ce qui ne signifie nullement qu’il sera validé avant la fin du quinquennat. Les nouvelles dispositions sont en effet critiquées par la plupart des organisations syndicales, à commencer par Unité SGP FO, dont le secrétaire général, Yves Lefebvre, parle d’une « usine à gaz » qui non seulement ne simplifie pas les choses, mais les complexifie. « Les règles en vigueur étaient bonnes », dit le syndicaliste, qui défendait, comme d’autres, la création d’une juridiction spéciale chargée d’examiner les litiges.
Concrètement, la plupart des tirs effectués par les policiers sont des tirs de riposte qui ne laissent guère de place aux sommations pratiquées par les gendarmes, explique un praticien. Y a-t-il proportionnalité de la riposte ? « Le temps de consulter son mémento, le policier sera mort dix fois », prédit Yves Lefebvre, fustigeant « une réponse politique rapide pour calmer la colère ». Et l’un de nos interlocuteurs de pronostiquer, dans les semaines qui suivraient la mise en œuvre de ces nouvelles règles, une dizaine de procédures ouvertes pour usage des armes par de jeunes fonctionnaires en poste dans des quartiers difficiles, à l’occasion de perquisitions ou de contrôles routiers.
L’autre difficulté concerne la formation. Les policiers s’entraînent au tir en moyenne trois fois par an, ce qui est notoirement insuffisant aux yeux de tous. Il faudra par ailleurs enseigner ces nouvelles règles aux 100 000 fonctionnaires, une formation qui risque de prendre de longs mois…
Pas sûr que d’ici là les policiers ne réagissent différemment s’ils étaient de nouveau confrontés à une agression comme celle de Viry-Châtillon : en état de légitime défense avérée, face aux engins incendiaires brandis par leurs agresseurs, ils se sont retenus de tirer par craintes des suites judiciaires qu’entraînerait leur geste…
Bernard Cazeneuve, qui a acquis ses lettres de noblesse face au terrorisme, les professionnels louant tous une stature de « guerrier », tente de sauver son image auprès de la troupe policière. Son cadeau empoisonné devra d’abord être validé par les députés et les sénateurs, ce qui n’est pas gagné d’avance…
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