Las de devoir sans cesse intervenir pour taper sur les doigts de l’équipe de Cyril Hanouna dans « Touche pas à mon poste », le CSA a fini par engager ce mercredi une procédure ouvrant la voie à de possibles sanctions contre C8. Une étape qui n’aurait pas été franchie si le récidiviste des dérapages n’avait pas tant surfé sur son sentiment d’impunité…
C’était prévisible : à force de se sentir intouchable, Cyril Hanouna prenait le risque de se brûler les ailes. C’est peut-être chose faite puisqu’après plus d’un an d’impuissance, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a enfin pu engager ce mercredi 23 novembre une procédure de sanction contre la chaîne C8, visant son émission Touche pas à mon poste. Une action qui n’aurait pas été possible sans le concours inconscient – dans tous les sens du terme – de l’animateur en roue libre…
Retour sur les faits : depuis la rentrée, la séquence de TPMP qui a suscité la plus grosse polémique est celle du 13 octobre. Pendant un marathon en direct baptisé « Les 35 heures de Baba », le chroniqueur Jean-Michel Maire – encouragé par Cyril Hanouna – embrasse le sein décolleté d’une actrice, Soraya Riffy, malgré le refus explicitement prononcé de celle-ci. Tollé général, et avalanche de plaintes auprès du CSA.
A ce sujet, le Conseil a certes prononcé ce mercredi une mise en demeure, qui est l’échelon le plus sévère de l’échelle de ses avertissements, au motif que « cette séquence véhicule des préjugés sexistes et présente une image dégradante de la femme ». Mais ce n’est pas cette séquence qui vaut aujourd’hui à TPMP d’être menacée de sanction. Car pour que la procédure punitive soit engagée, le règlement du CSA prévoit que la chaîne ait cumulé au moins deux mises en demeure… sur le même fondement juridique ! Or, « l’affaire Maire » est la première s’appuyant sur les « dispositions de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, notamment en véhiculant des préjugés sexistes et en présentant une image dégradante de la femme ». Insuffisant pour que le CSA puisse saisir le rapporteur indépendant.
A ce stade, donc, et si les frasques de la bande d’Hanouna s’étaient arrêtées après la polémique du baiser forcé mi-octobre, le CSA n’aurait absolument pas pu aller plus loin qu’une mise en demeure. Et la chaîne du groupe Canal+ n’aurait pas risqué de sanction. C’est là que C8 a fait une erreur : contactée par Marianne après l’affaire du baiser forcé, sa direction nous avait avoué qu’aucune consigne n’avait été donnée à ses employés pour faire preuve d’un peu plus de mesure dans leurs agissements sur le plateau. Osant même cette réponse : « Quelle consigne voulez-vous qu’on donne ? C’est une émission potache »…
Résultat, TPMP a continué comme si de rien n’était, et ce qui devait arriver arriva : un nouveau dérapage, passé plus inaperçu que celui du baiser forcé, le 3 novembre. Ce soir-là, Cyril Hanouna pousse le bouchon jusqu’à faire croire, dans une mise en scène insensée, à son chroniqueur Matthieu Delormeau… qu’il s’est rendu responsable d’un homicide volontaire ! Au sujet de cette séquence, le CSA a considéré ce mercredi qu’il y avait un problème de respect de la personne humaine. Bingo ! La chaîne avait déjà été mise en demeure sur ce fondement juridique, le CSA peut donc agir. C’était après une émission du 11 mai 2015, dans laquelle un invité s’était écrié au sujet d’un groupe étranger dont les membres étaient atteints d’autisme et de trisomie : « On va niquer les trisomiques ». Il y a donc récidive, et c’est ce qui lui permet aujorud’hui d’enclencher la procédure – très rare – de sanction, comme l’indique sa décision :
« Le directeur général (du CSA, ndlr), constatant que la chaîne avait déjà fait l’objet d’une mise en demeure sur le terrain du respect de la personne humaine, a transmis ces informations au rapporteur indépendant chargé en vertu de la loi des décisions d’engagement des poursuites et de l’instruction des affaires, susceptibles de conduire à des sanctions prononcées par le Conseil ».
Aujourd’hui, que risque la chaîne ? Concrètement, le rapporteur indépendant va mener une instruction au nom du Conseil d’Etat. A l’issue de laquelle il préconisera ou non des sanctions, qui peuvent aller jusqu’à l’amende, voire à la suspension de l’émission ou même de la chaîne. Dans une échelle plus probable, il peut aussi être exigé de Cyril Hanouna la lecture d’un message à l’antenne durant une durée définie, ou encore, le classement de l’émission en « interdit aux moins de 12 ans ». Apparemment inoffensive, cette dernirèe sanction aurait pourtant un double effet catastrophique : d’abord, elle obligerait C8 à diffuser TPMP après 22 heures. Ce qui aurait pour conséquence de faire fuir les publicitaires, qui justement en insérant leurs spots dans cette émission visent plutôt un public… jeune. C’est ce qui était arrivé en 2010 à l’émission de W9 intitulée Dilemme. A la suite d’une séquence montrant une candidate affublée d’un collier de chien et d’une laisse, le CSA avait prononcé une interdiction aux moins de 10 ans. Résultat : l’émission a été arrêtée, le diffuseur anticipant les conséquences d’une telle contrainte.
Outre cette procédure de sanction et la mise en demeure sur le respect des femmes, le CSA a pris une troisième décision ce mercredi à propos de TPMP, mettant en garde C8 sur une séquence où l’animateur vedette avait insulté Matthieu Delormeau : « L’agression verbale de l’animateur à l’encontre de l’un des chroniqueurs constituait un manque de retenue dans la diffusion de telles images susceptible d’humilier les personnes ». « Avec tous ces avertissements sur l’humiliation, le bizutage, le rappel qu’une femme qui dit non, c’est une femme qui dit non, le terrain de jeu d’Hanouna est désormais bien délimité », souligne auprès de Marianne une source interne au CSA. Laquelle précise :
« Nous ne sommes pas les gardiens de l’humour, ni les arbitres de l’élégance, nous sommes là pour protéger le public, en l’occurrence le jeune public, en imposant des limites. Car quand TPMP joue avec les bouc-émissaires, qu’est-ce que cela donne dans les cours de récré ? Est-ce que c’est si drôle d’être embrassé contre son gré ? »
Un ras-le-bol manifestement partagé par de nombreux téléspectateurs puisque le CSA nous indique avoir reçu pas moins de 4.800 plaintes contre TPMP depuis le début de l’année. Avec un message clair à destination d’Hanouna : touche plus à notre poste ! En tout cas, pas comme ça.
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