Fillon-Juppé : plus catho que moi, tu meurs !

Comparaisons avec le pape, passes d’armes sur l’avortement… Les deux finalistes de la primaire à droite se disputent les faveurs de l’électorat catholique, considéré comme un faiseur de roi après avoir donné de la voix au premier tour.

Au pays de la laïcité, la primaire de la droite tourne à l’élection d’un conseil de paroisse… En pleine campagne d’entre-deux tours, François Fillon et Alain Juppé se sont lancés cette semaine dans une course à l’échalote pour s’attirer les faveurs de l’électorat catholique. Une bataille qui a commencé dès le lendemain du premier tour. A la télévision lundi, les deux candidats se sont écharpés sur cette question existentielle : qui donc ressemble le plus au pape ? « Je dis à mes coreligionnaires catholiques que moi, je suis plus proche de la parole du pape François que de la Manif pour tous », a lancé Alain Juppé au 20H de France 2, bien obligé de tirer le premier au vu de son retard de 16 points. « Sur la plupart des sujets sur lesquels Alain Juppé semble vouloir me contester, le pape François dit la même chose que moi », a très modestement rétorqué François Fillon sur TF1 quelques minutes plus tard. Aucun communiqué du Vatican n’est venu, pour l’instant, bénir l’un des impétrants…

Alain Juppé a poursuivi sur sa lancée mardi, en demandant notamment à son adversaire de « clarifier » sa position sur l’avortement. Son objectif est clair : face au « traditionaliste » Fillon, comme il le dépeint lui-même, le maire de Bordeaux se présente en progressiste, sans pour autant mettre la religion à distance. Au contraire, Juppé ne rate plus une occasion d’affirmer qu’il est lui aussi catholique ! « Je suis baptisé, je m’appelle Alain Marie, je n’ai pas changé de religion et je comprends parfaitement le point de vue de mes coreligionnaires catholiques », martèle-t-il encore dans L’Express ce mercredi.

La « revanche » des cathos Manif pour tous

Alain Juppé cherche vraisemblablement à mobiliser un électorat chrétien plus modéré que celui qui a servi en partie le score écrasant de François Fillon dimanche dernier (44%). Un pari perdu d’avance, à en croire Camille Pascal, un fidèle de Nicolas Sarkozy qui l’a notamment conseillé sur les sujets religieux : « On voit très bien qui a voté dimanche, c’est la France qui a été ulcérée par le mariage pour tous et qui est paniquée par l’islamisation. Cette France catholique a été humiliée et trouve une revanche éclatante en faisant de François Fillon son candidat. »

Quid des catholiques de gauche ou de l’héritage modéré des chrétiens-démocrates ? « Ce ne sont pas ces gens qui se sont déplacés », tranche Camille Pascal. De fait, même sur les terres où la démocratie chrétienne et le catholicisme social restent bien ancrés, comme la Bretagne ou les Pays de la Loire, François Fillon a largement surclassé Alain Juppé, qui n’arrive en tête que dans les contrées plus laïques de son sud-ouest natal.

« Une France rance »

« Ça me paraît plié, à moins d’un miracle ! », ironise aussi Gino Hoel, rédacteur à Golias, un hebdomadaire de gauche d’inspiration chrétienne mais très critique de l’Eglise. « La campagne du second tour va peut-être mobiliser à la marge, mais les cathos de gauche ont le sentiment que cette primaire, ce n’est pas leurs oignons. Ils se mobiliseront plutôt lors de l’élection présidentielle », explique-t-il, en s’inquiétant de « la résurgence d’une vieille France, une France rance » dans le succès de François Fillon.

L’intéressé veille bien, désormais, à se démarquer de ce qu’il considère comme une « caricature ». Mardi, François Fillon a juré qu’il n’avait « rien promis » à Sens commun, ce mouvement issu de la Manif pour tous qui le soutient. Quant à l’IVG, « j’ai voté tous les textes qui permettaient d’en faciliter l’accès aux femmes », a-t-il assuré ce mercredi 23 novembre sur Europe 1. Après avoir réussi à rallier de nombreux votes de sortie de messe dimanche dernier, le candidat prépare la suite en recentrant son discours, conscient que son étiquette de catholique conservateur fournit une belle cartouche à la gauche dans la perspective de l’élection présidentielle. Conscient aussi que le fait de multiplier un peu trop explicitement les références religieuses séduit rarement l’électorat visé. Le score de 1,5% de Jean-Frédéric Poisson, président de l’autoproclamé Parti chrétien-démocrate, ou la sèche élimination de Nicolas Sarkozy, adepte de l’exaltation systématique des « racines chrétiennes » de la France, sont là pour en témoigner.

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