Aux Etats-Unis, le dépouillement du scrutin présidentiel touche à sa fin, et il place Hillary Clinton largement en tête du vote populaire. Distancé de deux millions de voix par la candidate démocrate, Donald Trump n’en restera pas moins le 45e président américain.
C’est un chiffre qui va hanter les supporters d’Hillary Clinton. Alors que le dépouillement de l’élection présidentielle américaine est sur le point de s’achever, il apparaît que la candidate démocrate dépasse largement Donald Trump en termes de votes populaires. ABC News affirmait lundi que l’avance d’Hillary Clinton se montait à 1,5 million de voix. Et depuis, l’écart semble s’être creusé encore : selon les derniers chiffres publiés ce mercredi 23 novembre par le Cook Political Report, la démocrate battue aurait recueilli deux millions de voix de plus que son rival républicain !
Hillary Clinton’s national popular vote lead just surpassed 2 million (1.5%): https://t.co/j58GaxfPmH
— Dave Wasserman (@Redistrict) 23 novembre 2016
Ces chiffres viennent enterrer définitivement la rumeur qui s’était propagée un temps sur les réseaux sociaux, laissant croire que Trump avait remporté le vote populaire. Cette clarification ne remet toutefois rien en cause : en raison de règles constitutionnelles particulières, la victoire du milliardaire ne souffre aucune contestation. Un scénario qui avait déjà accablé le camp démocrate en 2000, lors de l’affrontement entre Al Gore et George W. Bush : alors qu’à l’issue du scrutin, Gore avait obtenu 550.000 voix de plus que Bush au niveau national, il perdit l’élection à cause des 550 voix de retard qu’il avait en Floride…
Observée depuis la France, cette situation interpelle. C’est qu’aux Etats-Unis, l’élection du président se fait au suffrage universel indirect. Les citoyens doivent désigner un collège de 538 grands électeurs qui, eux, sont chargés d’élire le président. Chacun des 50 Etats américains dispose d’un nombre de grands électeurs qui varie en fonction de son nombre d’habitants. C’est ainsi que la Californie (40 millions d’habitants) peut désigner 55 grands électeurs, tandis que le Wyoming (600.000 habitants) ne peut en choisir que trois.
À cela s’ajoute le système du « winner take all« (« le vainqueur emporte tout »). C’est une règle absolument déterminante qui s’applique dans la quasi-totalité des Etats américains – seuls le Maine et le Nebraska sont exemptés. Ce système permet au candidat qui recueille les votes d’une majorité de grands électeurs dans un Etat donné d’y remporter la totalité des votes. Par exemple, en remportant légèrement plus de voix en Floride, Donald Trump voit tomber dans son escarcelle la totalité des 29 grands électeurs de l’Etat. Cette règle a donc un impact considérable sur l’issue du scrutin.
Ces modalités de l’élection du président des Etats-Unis sont un vieil héritage du XVIIIe siècle et de l’époque où les premiers Etats américains se sont fédérés. Pour limiter la légitimité du président et préserver les pouvoirs du Congrès, la Constitution des Etats-Unis avait prévu qu’il ne serait pas élu au suffrage universel direct. En effet, les Etats fondateurs craignaient que leurs prérogatives ne soient écrasées par le pouvoir présidentiel. Aujourd’hui, ces règles sont toutefois critiquées : une pétition en ligne a été lancée pour obtenir des grands électeurs républicains qu’ils votent en faveur d’Hillary Clinton afin de « respecter la démocratie ». À cette heure, le texte a été signé par environ 4,6 millions de personnes.
Après l’élection de Donald Trump, plusieurs médias américains ont également posé la question : « Le collège des grands électeurs doit-il être aboli ? » Invité sur CNN le 12 novembre dernier, Douglas McAdam, professeur de sociologie à l’université de Stanford, a accusé ce système électoral d’aller « à l’encontre du principe d’égalité politique ». « Avec les grands électeurs, chaque voix ne pèse pas autant que les autres. Les votes dans les Etats incertains – et qui déterminent l’issue de l’élection – comptent clairement davantage que les votes dans les Etats que l’on sait acquis aux démocrates ou aux républicains. (…) Aujourd’hui, la finalité du collège des grands électeurs pose un réel problème. »
Face à ces critiques, peut-on s’attendre à ce que les règles du jeu évoluent ? Revenir sur ce mode de scrutin impliquerait de modifier la sacro-sainte Constitution américaine, ce qui n’est pas chose aisée. Ce texte fondateur, auquel les Américains sont très attachés, n’a été modifié qu’en de rares circonstances depuis sa création en 1787. De plus, changer la Constitution exige un consensus politique très fort et ne s’obtient qu’au terme d’une longue procédure. Notons aussi que c’est la cinquième fois dans l’histoire des Etats-Unis qu’un candidat est élu président sans voir recueilli la majorité du vote populaire (en 1824, 1876, 1888, 2000 et 2016). Du reste, Hillary Clinton a très vite admis sa défaite, sans jamais manifester la moindre réserve sur la victoire du milliardaire.
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