En donnant les clés de son programme économique à des représentants des milieux patronaux et financiers, François Fillon a réussi un coup de maître. Les caisses sont aujourd’hui pleines et les soutiens s’accumulent. Les 44% réunis par sa candidature, ce dimanche 20 novembre, au premier tour de la primaire, devrait même susciter de nouvelles vocations.
Petite devinette : on ne connaît pas leurs noms, on ne connaît pas leurs visages. Pour autant, ils pèsent lourd et pourraient même bientôt gouverner. Ce sont les architectes du programme économique de François Fillon, qui a réuni 44,1 % au premier tour de la primaire à droite, ce dimanche 20 novembre. Qui sont-ils ? Les grands patrons, bien sûr. Derrière la percée de François Fillon se cache une véritable dream team de financiers et chefs d’entreprise, que le député de Paris désigne dans ses discours sous le doux nom de « société civile« .
A ses côtés, pourtant, point d’André Malraux, de Françoise Giroud ou même de Luc Ferry. Les personnalités estampillées « vie active » proches de François Fillon ne sont pas écrivains ou universitaires mais bien dans leur immense majorité… entrepreneurs. Lors du grand meeting de François Fillon au Palais des Congrès de Paris, ce vendredi 18 novembre, ces dirigeants s’étaient déplacés en masse, à tel point qu’une partie des travées avait des allures de réunion du Medef. Henri de Castries, l’ex-PDG très influent du groupe d’assurance Axa (113.000 salariés) était présent, pour la première fois, après avoir fait miroiter pendant des mois son ralliement public. Tête de gondole de ces soutiens patronaux, on évoque son nom pour Bercy, voire Matignon en 2017. François Fillon n’a-t-il pas dit qu’il voulait « mettre en oeuvre son programme » avec « des ministres de la société civile » ?
Dans ce milieu où règne un culte de la discrétion, de nombreux autres patrons préfèrent pour l’heure rester dans l’ombre. L’entourage de François Fillon confirme toutefois la présence d’éminences du miscrocosme dirigeant français à ses meetings, tels qu’Henri de Lachmann (président du conseil de surveillance de Schneider Electric, 186.000 salariés), Guillaume Richard (PDG du groupe O2, 12.000 salariés), Stanislas de Bentzmann (co-président de Devoteam, 3.600 salariés), Bruno Cercley (Président du groupe Rossignol, 1.200 salariés) ou Alain Afflelou (PDG du groupe éponyme). De grands noms du monde de la finance ont aussi été remarqués, comme Christian de Labriffe (associé-gérant chez Rothschild), Romain Boscher (responsable mondial des actions pour le gestionnaire d’actifs Amundi), Antoine Gosset-Granville (associé du cabinet d’avocats d’affaires BDGS) et évidemment Jean-Paul Faugère, son ancien directeur de cabinet-adjoint à Matignon, aujourd’hui président de CNP Assurances (4.600 salariés). Plus surprenant, Xavier Couture… numéro 2 de France Télévisions, est également venu applaudir le Sarthois.
D’autres grands patrons sont cités comme proches, à l’instar de Patrick Pouyanné, le PDG de Total (96.000 salariés), dont l’entourage de François Fillon glisse qu’il est « un ami » du candidat, sans confirmer son soutien. Pour vendre son projet lors de réunions publiques, début 2016, le candidat arrivé en tête du premier tour de la primaire avait déjà pu compter sur une floppée de grands patrons : Arnaud Vaissié, PDG d’International SOS (11.000 salariés), Viviane Chaine-Ribeiro, présidente du Syntec, le syndicat des entrepreneurs du numérique, favorite pour succéder à Pierre Gattaz à la tête du Medef en 2018, Eric Gérard, associé-gérant d’Optigestion, spécialisé dans la gestion de portefeuilles financiers ou encore Loïc Leprince-Ringuet, directeur général de Small Business France, spécialisée dans l’accès aux marchés publics.
Comment François Fillon a-t-il réussi à agréger autant de soutiens patronaux, alors que sa candidature patinait ? En leur donnant les clés de son programme présidentiel, tout simplement. L’idée germe en 2013. Ils ne sont alors qu’une poignée de membres de la « société civile » à croire en lui. Trois, précisement : l’ex-PDG de Numéricable Pierre Danon, le banquier Arnaud de Montlaur, ainsi que François Bouvard, ancien directeur général de McKinsey, une société spécialisée dans le conseil auprès des directions générales. En quelques mois, cette petite équipe de fidèles mobilise tout son réseau pour rédiger le programme économique de François Fillon. « On a fait une vingtaine de réunions sur la compétitivité avec vingt-cinq personnes, autour de plateaux-repas à trente euros, se remémore Pierre Danon, aujourd’hui directeur de campagne-adjoint de l’ex-Premier ministre. François Fillon écoutait, posait des questions sur les trente-cinq heures, les charges. » Dans la salle, des dirigeants de PME, d’ETI, mais aussi de « quelques présidents de grands groupes« . Selon le Canard enchaîné de ce mercredi 23 novembre, c’est Dorothée Pineau, dirigeante-adjointe du Medef, qui coordonne la mise en forme de ce véritable cahier de doléances patronal.
Peu à peu, François Fillon retient certaines propositions, en écarte d’autres. Le projet prend forme. Dans le même temps, Arnaud de Montlaur introduit François Fillon dans les milieux financiers. Il lui présente le gotha des banquiers, traders et assureurs. La greffe prend. Dans le microcosme, le bruit se répand que François Fillon prépare le programme « le plus sérieux, le plus clean« , dixit Arnaud de Montlaur. La publication du programme économique du député de Paris, en janvier 2016, convainc une nouvelle couche de patrons. Tous accueillent avec félicité les propositions de mettre fin aux 35 heures, de baisser les charges patronales, de différer l’âge de départ en retraite, de supprimer le compte pénibilité ou encore l’ISF. Le président du Nouveau Centre Hervé Morin explique alors au JDD que le Sarthois va remporter l’élection présidentielle. Son analyse est édifiante : « Dans les milieux économiques, on entend beaucoup deux choses : le rejet de Nicolas Sarkozy et l’adhésion au programme de François Fillon.«
Depuis le début de l’année, Arnaud de Montlaur, chargé de lever des fonds pour le candidat aux accents thatchériens, voit s’abattre sur lui une pluie d’argent : 2,7 millions d’euros. Soit plus que ses rivaux de la primaire de la droite et même un peu mieux qu’Emmanuel Macron, le supposé chouchou des milieux économiques ! La méthode de Montlaur ? Quelques cocktails en compagnie du candidat, dont une réception au Links Club de New York devant la crème des banquiers et chefs d’entreprise expatriés, le tout organisé par Henri de Castries, en septembre dernier. Mais aussi beaucoup de rendez-vous au QG de campagne, sans François Fillon, avec en étendard le programme économique du député. « On reçoit les donateurs, on leur propose un café et on leur explique qu’on a besoin de fonds pour organiser des meetings et payer les permanents. Cela marche très bien« , raconte Arnaud de Montlaur. A 7.500 euros maximum le don, gageons qu’il y a dû y avoir un certain nombre de rendez-vous.
En 2016, François Fillon a ainsi organisé pas moins de 64 réunions publiques, grâce à l’argent de ces généreux donateurs. Un des secrets de sa réussite actuelle. En 2017, si François Fillon l’emporte finalement, ces dirigeants seront en droit d’attendre une application stricte du programme pour lequel ils ont généreusement donné. Et quelques postes ministériels ? Pierre Danon écarte l’hypothèse : « François Fillon ne nommera pas des personnalités ministres sous prétexte qu’elles ont été fidèles. Il n’est pas exclu qu’il prenne des membres de la société civile qui ne le soutiennent pas encore, s’ils sont plus compétents, plus talentueux. » Avec son projet économique auto-proclamé « radical », nul doute que l’ex-Premier ministre devrait recevoir incessament sous peu de nouvelles offres de service.
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