Le cercle Ferdinand-Buisson, l’association Arte-Filosofia et « Marianne » ont organisé un débat le 28 octobre pour défendre la laïcité, au palais des congrès d’Antibes. L’occasion de rappeler que ce n’est pas une arme antireligieuse mais la base du vivre ensemble.
« Pourquoi la laïcité ? » L’interpellation qui s’affichait sur l’estrade du palais des congrès d’Antibes, le 28 octobre, aurait pu sembler un rien naïve aux abonnés de Marianne. La laïcité bien sûr, la laïcité parce que, la laïcité forcément, auraient-ils pu être tentés de répondre tant ce combat est emblématique de l’identité de notre journal. Pourtant, à l’heure où tant d’ennemis se liguent pour abattre ce trésor français, c’est une initiative de salubrité publique, de salubrité républicaine, qu’a prise le cercle Ferdinand-Buisson en organisant, avec Marianne et l’association Arte-Filosofia, cette rencontre. Une soirée d’échanges pour remonter aux sources de ce miracle, comme une sorte de chasse au trésor laïque…
Placer ce débat sous les auspices du philosophe Ferdinand Buisson, prix Nobel de la paix en 1927 et auteur du Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, la «bible» de l’école laïque et républicaine, était de bon augure pour inaugurer cette quête. Donner en introduction la parole au philosophe Henri Pena-Ruiz pour resituer le sens, la généalogie et les enjeux de la laïcité se révéla plus judicieux encore. Cinquante minutes durant, devant près de 500 personnes qui se pressaient dans le grand auditorium du palais des congrès d’Antibes, cet «amoureux» de la laïcité* redonna force à la tumultueuse histoire de ce concept. Une idée toujours neuve qui doit refuser de se voir accoler par ses adversaires un quelconque qualificatif – «ouverte», «apaisée» ou «positive» – susceptible de la dénaturer. «Il n’y a pas plusieurs laïcités, il n’y en a qu’une !» a-t-il martelé. Rappelant que des 3 500 morts de la Saint-Barthélemy à l’hécatombe de même ampleur des attentats du 11 septembre 2001 – «Ce n’est pas la religion qui est en cause, mais le fanatisme religieux qui veut dicter la foi à partir de la religion» -, Henri Pena-Ruiz a souligné que la laïcité n’est pas une arme antireligieuse chargée d’opprimer la «communauté des croyants». En revanche, elle peut devenir un outil pour combattre les menées du «parti clérical» lorsque celui-ci met à mal les valeurs de respect et de liberté garantes de notre démocratie.
Depuis quelques années, ce dangereux «parti clérical» a pris les oripeaux de l’islamisme, notamment en France où il tente de faire régner intimidation, menace et parfois terreur. Endeuillée depuis les attentats commis par Mohamed Merah en mars 2012, puis par les vagues d’attaques sanglantes qui se sont succédé depuis le 7 janvier 2015, la France laïque se retrouve donc en première ligne. Raison de plus pour défendre sans concession cette assurance vie commune tant, comme l’a clamé Henri Pena-Ruiz, «la laïcité n’a pas à s’adapter aux religions, c’est aux religions de s’adapter à la laïcité». «La laïcité est un équilibre et la loi de 1905, une loi d’apaisement», rappela en écho le député-maire d’Antibes (LR), Jean Leonetti. L’été dernier, quelques semaines après le traumatisme provoqué par l’attentat de Nice, il fut l’un des rares maires de droite de la région Paca à ne pas céder à la mode des arrêtés municipaux visant à interdire le port du burkini lancée par son voisin cannois, David Lisnard. L’édile antibois se justifia, en expliquant que les patrouilles des polices nationale et municipale sur les plages de sa commune n’avaient pas repéré de tels accoutrements. Dès lors, l’ordre public n’étant pas menacé, c’est au contraire la publication d’un tel arrêté d’interdiction qui aurait pu le troubler.
Pas question pour autant de céder aux revendications d’une religion visant à asservir la femme. Citant le Tartuffe de Molière, Henri Pena-Ruiz a rappelé que «ce n’est pas à la femme de se cacher, mais aux hommes de maîtriser leurs pulsions». Reste une difficulté à surmonter, confessée par le préfet des Alpes-Maritimes, Adolphe Colrat : celle de trouver des interlocuteurs représentatifs du culte musulman pour convertir l’islam de France aux délices de la laïcité républicaine. L’épreuve promet d’être longue avant de voir l’avènement de ce nouvel âge de la laïcité à même de faire vivre ensemble, selon la formule du poème d’Aragon la Rose et le réséda, «celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas» .
* Dictionnaire amoureux de la laïcité, d’Henri Pena-Ruiz, Plon, 850 p., 25 €.
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