Lors du dernier débat de la primaire à droite avant le premier tour, ce jeudi 17 novembre, les rivaux de Nicolas Sarkozy penseront sans doute très fort aux révélations toutes fraîches de Ziad Takieddine sur le financement de la campagne présidentielle de 2007… Pas sûr pour autant que l’un d’entre eux ose aborder le sujet. Ou quand la peur de l’effet boomerang impose la loi du silence.
Nul ne sait si l’affaire libyenne de Sarkozy va s’inviter dans le débat de la droite, ce jeudi 17 novembre. Pour les rivaux de l’ex-chef de l’Etat, la tentation sera probablement forte. L’homme d’affaires Ziad Takieddine ne vient-il pas de raconter à Mediapart comment il a remis trois valises d’argent liquide de la part du dictateur libyen Mouammar Kadhafi à Claude Guéant et Nicolas Sarkozy, entre 2006 et 2007 ? Pourtant, cette affaire instruite depuis 2013 et qui porte sur le financement de l’élection présidentielle de 2007 a toutes les chances d’être passée sous silence, comme lors de des deux premiers débats et, d’ailleurs, de sept des huit des dernières interviews de Nicolas Sarkozy. « Pour les autres candidats, il est très risqué d’évoquer cette affaire, considère le communicant Philippe Moreau-Chevrolet. Elle paraît tellement incroyable que la défense de Nicolas Sarkozy serait facile : il évoquerait un complot et le positionnement politique de Mediapart. »
C’est précisément ce que Nicolas Sarkozy vient de commencer à faire. Dans une interview au Figaro publiée ce jeudi, l’ancien Président balaye ces soupçons… en accusant Mediapart de chercher avant tout à lui nuire : « Je n’ai que mépris pour cette officine qui depuis des années essaye sans succès de me salir ». Le message à ses rivaux est clair : l’ex-maire de Neuilly répondra de façon outragée à la moindre attaque sur le sujet. De quoi inciter à la prudence, d’autant plus que les attaques ad hominem ont généralement des conséquences néfastes pour celui qui les porte. « L’électorat supporte mal les attaques sans preuves, qui sont perçues comme de l’agressivité gratuite« , décrypte Philippe Moreau-Chevrolet.
Quatre jours avant les élections européennes de 2009, François Bayrou avait ainsi attaqué Daniel Cohn-Bendit sur un sujet plus que délicat, suggérant que celui-ci se soit rendu coupable de comportements à la limite de la pédophilie dans les années 1970. Cela ne lui avait pas porté chance : à 14% dans les sondages pendant toute la campagne, le parti du centriste avait finalement chuté à 8,5% le jour de l’élection.
Pour l’heure, les rivaux de Nicolas Sarkozy se sont montrés très mesurés. Ce jeudi, Bruno Le Maire a ainsi fait savoir sur Franceinfo qu’il n’évoquerait pas l’affaire : « On ne parle pas de ça dans un débat. C’est une question qui est grave et elle doit être traitée par la justice« , a fait valoir le député de l’Eure. La veille, Jean-François Copé a expliqué sur LCP qu’il n’avait « pas envie de commenter » ces déclarations « extrêmement graves« . Pas par sarkophilie mais sans doute parce que le député-maire de Meaux ne serait pas forcément le mieux placé pour aborder le sujet : ses clichés dans la piscine géante de Ziad Takieddine sont restés dans les mémoires et l’exposeraient à un retour de bâton douloureux.
De leur côté, Alain Juppé et François Fillon sont sans doute allés à la limite de ce qu’il était possible de dire sans paraître trop déloyaux. Le maire de Bordeaux a ainsi glissé en octobre sur BFMTV qu' »en matière judiciaire il vaut mieux avoir un passé qu’un avenir. » En août, le député de Paris s’est lui illustré par une périphrase aux sous-entendus empoisonnés. « Qui imagine le Général de Gaulle mis en examen ?« , a-t-il feint de s’interroger au cours d’un meeting dans la Sarthe. Au final, seuls des outsiders pourraient prendre le risque de parler des affaires, comme l’explique Philippe Moreau-Chevrolet : « Les deux nouveaux entrants, NKM et Jean-Frédéric Poisson, sont les seuls à pouvoir parler de l’affaire libyenne car ils sont identifiés comme différents des autres, plus francs-tireurs« . Sauf que Jean-Frédéric Poisson n’a jamais caché sa proximité de Nicolas Sarkozy. Peu de chance donc qu’il l’éreinte publiquement sur le sujet.
Reste Nathalie Kosciusko-Morizet. Lors du deuxième débat, elle avait été la seule à pointer les relations troubles entre certains politiques et le Qatar… ce qui avait suscité un certain malaise sur le plateau. Elle pourrait être tentée de poursuivre dans cette voie. « Pour montrer qu’elle ne trempe pas dans le même le bain que les autres, qu’elle incarne une nouvelle génération, NKM pourrait décider de parler des affaires. Elle y gagnerait sur le long terme, mais s’attirerait à coup sûr de solides inimitiés« , analyse Philippe Moreau-Chevrolet. Joint par Marianne, l’entourage de la candidate refuse de s’exprimer sur ces possibles velléités. « On ne communique pas sur ce que va dire NKM« , répond-on, avec une prudence de Sioux.
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