Les affrontements de personnes le feraient presque oublier : les candidats à la primaire de la droite ont bien un programme économique ! Avant leur dernier débat ce jeudi 17 novembre puis le premier tour ce dimanche, « Marianne » s’est penché sur les propositions d’Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et consorts. Une chose est sûre : si le représentant de LR remporte la présidentielle, il y aura de la casse sociale au programme pour 2017…
On l’aurait presque oublié, mais la primaire de la droite, ce ne sont pas que les frites et les Gaulois. Derrière les propos d’estrade et les clins d’oeil politiciens se cachent des programmes économiques… étonnamment convergents entre les candidats. Fin des 35 heures, relèvement de l’âge de départ en retraite, hausse de la TVA… Aidés du même livre de recettes libérales, tous partagent l’idée que les Français devront réaliser de sacrés efforts en 2017. Si le vainqueur de la primaire accède à l’Elysée, la potion sociale pourrait donc se révéler amère pour les travailleurs. Explications, thématique par thématique.
Les 35 heures vivent leurs derniers mois. Du moins si l’un des candidats de Les Républicains (LR) remporte la présidentielle en 2017. Tous préconisent en effet d’assouplir définitivement « la contrainte des 35 heures« . Le 13 octobre, lors du premier débat entre les candidats, seul Jean-François Poisson, le président du Parti chrétien-démocrate, s’est démarqué en déclarant ne pas être « obsédé par la durée du travail« . La méthode défendue par les autres ? Des négociations dans chaque entreprise.
En forte hausse dans les sondages, François Fillon est l’un des plus résolus sur cette question. Il souhaite laisser « les salariés et chefs d’entreprise négocier librement la durée de travail hebdomadaire« … dans la limite des 48 heures posée par le droit européen. Ouf !
Pour Alain Juppé, « si dans deux ans la négociation n’a pas abouti, la durée de travail hebdomadaire passera à 39 heures« . Payées 39 heures ? Vous n’y pensez pas ! Le maire de Bordeaux explique que ces heures « ne seront plus payées comme des heures supplémentaires mais le salarié bénéficiera d’une exonération fiscale et sociale sur ces heures« .
Fidèle à son credo de 2007, Nicolas Sarkozy souhaite en revanche que ces heures soient payées comme des heures supplémentaires. « Travailler plus pour gagner plus : je n’ai pas changé« , a-t-il résumé en février devant la Fondation Concorde.
La phrase : « Les 35 heures ont fait perdre le sens du travail en France« , Bruno Le Maire, le 13 octobre sur TF1 et RTL.
Les syndicats sont également dans le viseur des candidats de LR. François Fillon et Nicolas Sarkozy partagent l’idée d’une suppression des délégués du personnel dans les entreprises de moins de 50 salariés. Ce qui concernerait pas moins de 170.000 sociétés en France. L’ex-chef de l’Etat, Alain Juppé et Bruno Le Maire veulent en outre fusionner les différentes instances représentatives du personnel au sein d’une même entité. Ce que la CGT et FO interprètent comme un prétexte pour supprimer les Comités d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui imposent des normes de sécurité aux employeurs… Le dialogue social pourra enfin être contourné par des référendums d’entreprise.
Quant au compte pénibilité, consensus général : il faut le supprimer ! Seul Alain Juppé prône son « remplacement par un système moins complexe« . Mais lequel ? Mystère…
Alain Juppé et Nicolas Sarkozy veulent supprimer 300.000 postes de fonctionnaires en cinq ans. Qui dit mieux ? François Fillon, Bruno Le Maire et Nathalie Kosciusko-Morizet, bien sûr. Ces challengers souhaitent en avoir 500.000 de moins en 2022. Qui dit moins de fonctionnaires, dit moins de services publics pour la population… A moins que ces agents ne travaillent davantage. C’est précisément ce que François Fillon et Jean-François Copé envisagent : ils veulent que les fonctionnaires travaillent 39 heures par semaine. Deux de plus que Nicolas Sarkozy, qui souhaite établir les 37h dans la fonction publique d’Etat.
La phrase : « Il y a plus de 5 millions de fonctionnaires en France, ce n’est plus tenable« , François Fillon, le 13 octobre sur TF1 et RTL.
Tous préconisent de diminuer la dépense publique de 85 milliards d’euros (hypothèse Le Maire) à 110 milliards d’euros (hypothèse Fillon) pendant le prochain quinquennat. François Fillon a même chiffré une partie de ces économies : 20 milliards sur les dépenses de santé, 50 milliards pour les administrations de sécurité sociale. Autant dire que le temps d’attente aux urgences hospistalières ne devrait pas exactement se raccourcir…
Selon une étude récente de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la dégressivité de l’allocation chômage ne serait pas efficace pour réduire le nombre de demandeurs d’emploi. Pour autant, tous les candidats à la primaire de la droite proposent cette mesure. Nicolas Sarkozy souhaite réduire ces allocations de 20% au bout de douze mois et de nouveau de 20% au bout de dix-huit mois. Alain Juppé souhaite que cette dégressivité atteigne 25% sur la même période… mais avec un plancher de 870 euros par mois sous lequel un chômeur ne pourra pas descendre.
Les demandeurs d’emploi seront fortement incités à accepter les propositions faites : Nicolas Sarkozy préconise de supprimer les allocations des chômeurs qui refuseraient deux emplois ou deux formations.
La phrase : « Chaque personne qui refusera deux emplois ou deux formations se verra retirer ses allocations« , Nicolas Sarkozy, le 24 août sur BFMTV.
Trois des septs candidats envisagent de mettre fin au RSA, remplacé par une « allocation sociale » unique : Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire et François Fillon. L’ancien président de la République a promis que le montant total de ces aides ne pourrait dépasser 75% du SMIC. Soit 1.100 euros par mois. Ce qui paraît conséquent pour une personne seule avec un loyer modique mais pas forcément pour une famille habitant dans une grande ville.
En 2010, le relèvement de l’âge de départ en retraite de 60 ans à 62 ans avait provoqué de nombreuses manifestations. Sept ans plus tard, les candidats de LR prévoient de repousser celui-ci… à 65 ans, à l’horizon 2018 (Juppé, Copé) ou 2024 (Le Maire). Nicolas Sarkozy se démarque de ses camarades en prônant la retraite à « seulement » 64 ans.
L’idée de faire converger les systèmes de retraites privés et publics fait également consensus parmi les candidats. Nicolas Sarkozy précise même qu’il souhaite supprimer « les régimes de retraite dits spéciaux« . Soit la réforme entreprise par le gouvernement Juppé en 1995… puis abandonnée, après avoir mis 2 millions de personnes dans la rue.
La phrase : « Vous n’allez pas me dire que si je fais ce que j’ai dit, ça va provoquer un blocage général!« , Alain Juppé, le 2 octobre 2016 dans le JDD.
Grande pourfendeuse des hausses d’impôts sous la présidence Hollande, la droite avait déjà elle-même augmenté les prélèvements obligatoires entre 2007 et 2011. Baissera-t-elle les impôts une fois revenue au pouvoir ? Oui… et non. A part Nathalie Kosciusko-Morizet, tous les candidats prévoient d’abord de supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). L’impôt sur les sociétés devrait également être revu à la baisse : de 33,3% à 30% pour Alain Juppé (avec un objectif à long terme de 22%), et même 10% pour François Fillon.
Concernant l’impôt sur le revenu, les candidats demeurent en revanche en désaccord. Nicolas Sarkozy souhaite une baisse de 10% sur cinq ans; Alain Juppé propose 2 milliards d’allègement, mais seulement pour les familles. Nathalie Kosciusko-Morizet préconise sa fusion au sein d’un impôt unique proportionnel individualisé. Bruno Le Maire ne reviendra pas sur l’impôt sur le revenu mais souhaite baisser la CSG à 6%. Quant à François Fillon, il a déclaré en février 2016 au Figaro « ne pas considérer la baisse de l’impôt sur le revenu comme une priorité absolue« … au contraire de la hausse de la TVA. Le député de Paris prévoit en effet de faire passer celles-ci de 20% à 22% ! Seul Alain Juppé le suit sur ce point : le maire de Bordeaux a prévu de faire passer la TVA à 21%.
La phrase : « Je propose d’augmenter la TVA de 2 points car il faut que ce soit la consommation qui finance notre système social, pas le travail« , François Fillon, le 13 septembre dans Les Echos.
Une légende républicaine prétend qu’un président élu a six mois pour réaliser ses réformes, avant que la grogne sociale ne se réveille. S’il est issu de LR, le locataire de l’Elysée à partir de mai 2017 devra assurément faire très vite.
Powered by WPeMatico
This Post Has 0 Comments