L’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine affirme ce mardi, face caméra, qu’il a personnellement participé au financement illicite de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, en convoyant des valises bourrées de millions d’euros en provenance de Kadhafi. Un témoignage qui n’est pas sans rappeler celui de Jean-Claude Méry, l’homme clé de l’Affaire des HLM de Paris, qui lui mettait en cause Jacques Chirac…
Ce qu’il y a de gênant avec les hommes de l’hombre, les petites mains des rouages politico-financiers, c’est qu’une fois lâchés par le pouvoir politique, ils ont une fâcheuse tendance à tout balancer… Parfois, en plus, à visage découvert et en vidéo ! C’est le cas du sulfureux homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine ce mardi 15 novembre. Face caméra, l’intermédiaire de la Sarkozie – il a par exemple joué un rôle déterminant dans la médiatique libération des infirmières bulgares en 2007 – avoue, dans une vidéo publiée sur le site de Mediapart, avoir joué le rôle de porteur de valises, à trois reprises entre 2006 et 2007, pour le compte du régime de Mouammar Kadhafi et à destination de… Nicolas Sarkozy. En tout, Takieddine aurait fait transiter pas moins de 5 millions d’euros. Une coquette somme qui aurait servi « pour la campagne du président français Nicolas Sarkozy », selon le PV d’audition d’Abdallah Senoussi, le chef du service des renseignements militaires libyens, dans le cadre d’une procédure secrète devant la Cour pénale internationale (CPI) dont Mediapart avait révélé des extraits le 7 novembre dernier.
Un témoignage explosif, qui rappelle furieusement une autre affaire…
« C’est uniquement aux ordres de Jacques Chirac que nous travaillions »
Le 24 mai 1996, Jean-Claude Méry se présente dans les locaux d’Arnaud Hamelin. Le premier est promoteur immobilier et membre du comité central du RPR (l’ancien, ancien nom du parti Les Républicains). Poursuivi pour « trafic d’influence, complicité d’abus de biens sociaux et infraction à la législation sur la facturation », il est l’homme-clé de l’affaire des HLM de Paris. Le second est un producteur indépendant. Ils ne se connaissent pas, c’est un ami commun qui les a mis en relation. Méry est là dans un seul but : enregistrer ses confessions. Assis dans un petit canapé noir, face caméra, le promoteur raconte sans filtre, dans un monologue de 72 minutes, les dessous du financement illicite des partis politiques français. Tous sont accusés, RPR évidemment mais aussi Parti communiste et Parti socialiste. Dans cette longue charge, l’homme affirme que « c’est uniquement aux ordres de Jacques Chirac que nous travaillions ». Sans la moindre preuve, le témoignage est néanmoins fracassant.
« C’est une assurance-vie, il a dit qu’il avait un peu peur, qu’il n’était pas tranquille », racontera plus tard Hamelin. Durant quatre ans, cette cassette dormira au chaud. Le 11 juin 1999, Méry meurt d’un cancer. Emportant ses secrets dans sa tombe ? Loin de là… Le 2 septembre 2000, le journal Le Monde publie une partie des confessions posthumes du promoteur immobilier, relançant de fait l’affaire des HLM de Paris. Le juge Eric Halfen, alors en charge d’instruire l’enquête, réclame la présence de Jacques Chirac, président de la République, comme témoin. En raison toutefois de l’immunité présidentielle, le juge se déclare finalement incompétent pour poursuivre ses investigations.
Mais les conséquences de la « cassette Méry » ne s’arrêtent pas là. Trois jours après la publication dans le journal du soir des larges extraits du testament de Méry, le site de L’Express affirme que Dominique Strauss-Khan possède l’original de la cassette. Selon l’hebdo, c’est l’ancien avocat de Méry qui aurait remis cet enregistrement à DSK, alors encore ministre des Finances, en échange d’un arrangement fiscal pour l’un de ses clients, le couturier Karl Lagerfeld.
Le lendemain, au micro d’Europe 1, le responsable socialiste nie la moindre faveur mais reconnaît se trouver en possession de cette cassette : « Je n’ai pas cru bon de la visionner, je n’en ai fait aucun usage et je ne sais même pas où j’ai pu la mettre », avance-t-il comme ligne de défense.
Après-coup, qu’est-il resté des confidences sur canapé de Méry ? Si médiatiquement, ses révélations posthumes ont eu un écho très large, l’impact sera en revanche bien plus modeste sur le plan judiciaire. DSK, après une petite traversée du désert (mais alors, tout petite), retrouvera son siège de député du Val-D’oise le 1er avril 2001. Il sera même pressenti comme potentiel Premier ministre en cas de victoire de Lionel Jospin en 2002. On connaît la suite.
Quant à l’affaire des HLM de Paris, Jacques Chirac ne sera pas inquiété. Et Jean Tibéri, l’un de ses fidèles parmi les fidèles, bénéficiera pour sa part dans ce dossier d’un non-lieu en 2005, faute de charges suffisantes.
La vidéo de Takieddine connaîtra-t-elle le même sort que la cassette Méry ? Par rapport à Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy fait face aujourd’hui à deux différences : il n’est plus – ou pas encore – président, et son accusateur est bien vivant…
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