Non, l'électorat de Trump n'est pas la caricature qu'on en fait

Donald Trump a remporté l’élection présidentielle américaine de ce mardi 8 novembre en prospérant sur la défiance vis-à-vis des élites et de la mondialisation. Mais contrairement à un cliché très répandu, ce n’est pas seulement un ramassis de non-diplomés blancs, pauvres, ignares et racistes qui l’a élu ! Ce que son élection charrie traverse en réalité de nombreux pans de la société américaine…

Caramba, les « white trash » ont gagné ! Depuis l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis ce mercredi 9 novembre, de nombreux analystes racontent la revanche éclatante sur les élites privilégiées des « white trash » ou des « redneck », ces prolétaires blancs peu cultivés, au sentiment de déclassement social fort. Or, ce n’est pas exactement ce qu’indiquent les sondages de sortie des urnes produits par des instituts américains. Ces derniers mettent en lumière le caractère beaucoup plus large et bigarré du vote Trump.

Ainsi, 8% des noirs et 29% des hispaniques ont voté Trump, soit à chaque fois 2% de plus que pour Romney en 2012. De même que pas moins de 31% des électeurs naturalisés américains. Dans le même temps, Hillary Clinton n’a convaincu « que » 88% des noirs et 65% des hispaniques, contre 93% et 71% pour Obama en 2012 : une contre-performance. Ajoutez-y le petit score de Clinton réalisé chez les jeunes (55% des 18-29 ans ont voté pour elle, contre 60% pour Obama en 2012), comparé au bon score de Trump chez les 45 ans et plus (53%), et vous disposez des premiers ressorts du résultat final.

Un tabac chez les pessimistes

Le milliardaire aura surtout su largement rassembler les votants les plus angoissés quant à leur avenir : 78% de ceux qui pensent que la situation économique des Etats-Unis a empiré ces quatre dernières années, 63% de ceux qui estiment que la prochaine génération américaine vivra plus mal qu’aujourd’hui et 65% des électeurs qui considèrent que la mondialisation a aggravé le chômage l’ont choisi. Mais cette exaspération face au comportement des élites et aux dérives de l’ultra-libéralisme n’est pas l’apanage d’un ramassis de blancs pauvres, racistes, incultes et isolés : elle traverse toutes les catégories de la population américaine.

Bien sûr, le magnat de l’immobilier a construit son succès sur une belle mobilisation de cet électorat blanc non-diplômé qui adhère – dit-on – si intensément à ses thèses. 67% d’entre eux ont voté Trump. Mais en 2012, n’étaient-ils pas déjà 61% à placer dans l’urne un bulletin Mitt Romney, alors candidat du Parti républicain ?

Contrairement au cliché souvent servi, le président américain élu n’est pas majoritaire auprès des plus pauvres et des classes moyennes. Il n’a convaincu que 41% des Américains qui gagnent moins de 50.000 dollars par an (soit moins de 3.800 euros par mois), contre 52% pour sa rivale. Le candidat républicain a en revanche pris l’avantage dans l’électorat « petit-bourgeois », comprenant les citoyens qui gagnent entre 50.000 et 100.000 dollars par an : 50% de leurs suffrages se reportent sur lui, contre 46% pour Clinton. Auprès des riches en revanche, le magnat de l’immobilier n’a pas creusé l’écart : 48% de ceux qui gagnent plus de 100.000 dollars par an (soit plus de 7.600 euros par mois) ont voté Trump, contre 47% pour Clinton. Trump n’a pas non plus convaincu outre-mesure les très riches : 48% de ceux qui gagnent plus de 19.000 euros par mois l’ont soutenu dans les urnes, contre 46% pour l’ex-secrétaire d’Etat.

Percée chez les ruraux et les indécis

L’électeur de Trump ne peut pas plus être résumé à un « redneck » isolé dans son village. Il est vrai que le vote rural s’est très massivement reporté sur le milliardaire : 62% des habitants de la campagne ont voté Trump. Mais les banlieusards l’ont aussi majoritairement plébiscité, à 50% contre 45% pour sa rivale démocrate. Une donnée fondamentale, quand on sait que 49% de l’électorat américain habite dans la banlieue d’une ville.

Quant au profil psychologique des votants, il ne s’agit en rien d’un groupe homogène de supporters chauffés à blancs depuis des mois. Trump a en réalité fait un tabac chez les indécis. 50% de ceux qui se sont décidés dans la semaine précédant l’élection ont voté pour le candidat du Grand Old Party, contre seulement 38% pour la représentante du Parti démocrate.

Au final, Trump apparaît comme le héraut de blancs peu diplômés, mais pas forcément désargentés. Le porte-voix d’habitants de la campagne, certes, mais aussi de la banlieue, sceptiques quant aux bienfaits de la mondialisation et inquiets pour leur avenir. Ce qui ne signifie pas que ce vote représente un grand espoir pour tous : 18% des électeurs de Trump considèrent que celui-ci n’a pas les compétences suffisantes pour être président. Troublant… et révélateur.

Sources : Cnn.com et pewresearch.com

*Soit les citoyens américains qui gagnent entre 50.000 et 100.000 dollars par an.

Et la religion dans tout ça ?

Auprès des croyants, qui avaient voté en majorité Obama en 2008 et 2012, Donald Trump réalise une véritable percée : 60% des protestants, 52% des catholiques et 55% des chrétiens d’autres obédiences lui ont donné leur voix. Il faut remonter à 2004 et la victoire facile de George W. Bush sur John Kerry pour retrouver un candidat républicain à ce niveau. Chez les chrétiens évangéliques, qui forment 26% de l’électorat américain, Trump a même failli casser le baromètre : 81% d’entre eux ont voté pour lui (contre 78% pour Romney) !

 

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