Le film "Merci Patron !" une nouvelle fois censuré au "Parisien"

Le film « Merci Patron ! », qui avait déjà subi à sa sortie la censure dans les pages du journal possédé par Bernard Arnault, vient de se voir refuser une page de publicité pour la sortie du DVD. Pour François Ruffin, réalisateur du film, ce nouvel épisode « montre bien quelle est la limite de l’indépendance du journal vis-à-vis de son actionnaire ».

Décidément, entre le fondateur du journal Fakir François Ruffin et Le Parisien, le torchon brûle. Entre eux, il y a le film Merci Patron !. Cet ovni cinématographique, qui met en scène le coup de poker d’une famille de prolos contre le grand patron Bernard Arnault, avait déjà subi lors de sa sortie une première censure dans les pages du journal, propriété du même Bernard Arnault. Une « auto-censure », avaient dénoncé conjointement dans un communiqué le SNJ, FO, SNJ-CGT et la SDJ du quotidien. « Au final, le choix retenu est toxique : le silence pour lequel a opté le directeur de la rédaction est un message dangereux envoyé à l’actionnaire LVMH », concluaient les journalistes. Bernard Arnault ayant fait main basse, via LVMH, sur « Le Parisien » et « Aujourd’hui en France » depuis 2015.

« A notre grande surprise, le service en charge de la pub a accepté notre demande »Mais ça, ce n’était que pour la sortie du film… Ce qui avait d’ailleurs – effet Streisand – assuré paradoxalement une certaine renommée au film de Ruffin. Toujours espiègle, ce dernier a voulu retenter sa chance à l’occasion de la sortie de Merci Patron ! en DVD. Se disant peut-être qu’avec le temps, les rancunes s’estompent, les haines s’effacent. François Ruffin a donc essayé d’acheter un espace de publicité dans les pages du Parisien pour en faire la promotion. « On était plutôt dans le domaine de l’expérience sociale, se marre-t-il aujourd’hui auprès de Marianne. Mais à notre grande surprise, le service en charge de la pub a accepté notre demande ! ». Mieux, le rédacteur en chef de Fakir passe même un bon deal : l’encart publicitaire passera dans les pages politique pour 4.000 € et l’envoi d’une cinquantaine de DVD du film. « Ça aurait été très drôle que ‘Le Parisien’ reçoive nos DVD », s’amuse-t-il. 

La date du 9 novembre est finalement arrêtée. Les équipes de Fakir versent alors un acompte de 1.200 euros, affirme Ruffin, et préparent les cartons de DVD à envoyer pour la date du 4 novembre. Le casse est pratiquement bouclé. Mais la veille, François Ruffin reçoit un coup de téléphone du directeur de la clientèle qui, gêné, l’informe qu’il est « allé un peu vite dans la confirmation »… Un échange que, fidèle à ses habitudes, Ruffin a pris soin d’enregistrer de bout en bout. Comme quoi, la leçon de Merci patron ! n’a pas été retenue…

« Ce nouvel épisode montre bien quelle est la limite de l’indépendance du journal »Au cours de cette conversation, le directeur tente maladroitement de se justifier : « Puisqu’on avait des directives, en fait, en période préélectorale, de refuser, en fait, tout ce qui est communication polémique. Or, la vôtre en fait partie… » Et de tenter un dégagement surprenant : « On peut pas se permettre de laisser la parole libre comme ça à des personnalités ou à… Y a une indépendance de la rédaction et ils restent maîtres de leurs contenus. Ils veulent une autonomie, ils veulent une clarté de l’information et ça passe par ce type de choix ».

Du pain bénit pour Ruffin. « Ce nouvel épisode montre bien quelle est la limite de l’indépendance du journal vis-à-vis de son actionnaire », se délecte-t-il. Et de pointer les jeux de cour au sein du quotidien : « Arnault n’a sûrement même pas eu besoin de donner le moindre ordre. Je pense même que ce n’est même pas arrivé aux oreilles de la rédaction. Il y a juste un type dans la hiérarchie qui s’est réveillé d’un coup, et qui a pris la décision pour éviter de fâcher le maître », déplore-t-il.

Ce que confirmait déjà, lors de la sortie du film, Martine Chevalet, journaliste au Parisien et déléguée SNJ-CGT, dans un entretien au site Fakir : « Finalement, cela prouve qu’un milliardaire qui entre en possession d’un journal n’a quasiment pas besoin de faire des pressions directes : il suffit de laisser les échelons inférieurs s’inféoder tout seuls ». 

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