Colère des policiers : les drôles de leaders de la contestation

Plusieurs leaders auto-proclamés ont pris la tête de la rébellion policière, s’affranchissant chaque jour un peu plus depuis un mois du devoir de réserve et appelant volontiers à brûler les cartes syndicales.

Un mois après la violente agression dont quatre policiers ont été victimes à Viry-Châtillon, dans l’Essonne, la colère persiste dans les rangs. L’histoire retiendra qu’elle a même débordé du cadre de la région parisienne pour s’étendre à tout le territoire, avec une caractéristique récurrente : le mouvement s’est organisé via les réseaux sociaux, en dehors du cadre traditionnel des organisations syndicales, pourtant très implantées dans la police. Plusieurs leaders auto-proclamés ont ainsi pris la tête de la rébellion, s’affranchissant chaque jour un peu plus du devoir de réserve et appelant volontiers à brûler les cartes syndicales.

Dans la région parisienne, c’est une capitaine en poste dans l’Essonne qui s’est imposée comme porte-drapeau dès les premiers jours. De son prénom Bérangère, elle se fait appeler « Emilie » et s’est rapidement vue contrainte de partager la vedette, non sans quelques heurts, avec Guillaume Lebeau, un ancien délégué du syndicat Unité-SGP-FO en poste dans les Hauts-de-Seine, qui rêvait il y a encore peu de temps de devenir permanent de son organisation.

Bérangère a décidé de faire cavalier seul

Les querelles internes ont éclaté au grand jour lorsqu’il s’est agi de se distribuer les rôles au sein de l’Association des policiers en colère, la vitrine officielle du mouvement, laissant Bérangère sur la touche, qui a décidé de faire cavalier seul. Présents à leurs côtés aux premiers jours, un ancien policier du RAID connu pour sn charisme, Bob (Robert) Paturel, et un avocat spécialiste de la légitime défense, Laurent-Frank Liénard, ont apporté leur grain de sel et leur expertise, inquiets devant la tournure des événements. Leur grain de sel et leur énergie, à l’image de ce message adressé par « Bob » à ses amis policiers : « Désobéir est un devoir pour un homme qui aspire à un monde meilleur ». Le tout assorti d’une citation de l’article 35 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1793 : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».

L’association ne compterait pas moins d’une trentaine de représentants sur le territoire. Bérangère a vu son aura grandir lorsque le ministre de l’Intérieur l’a longuement reçue, à Créteil, à un moment où Bernard Cazeneuve pensait encore possible de tuer la contestation dans l’œuf. Le fait d’avoir été conviée, avec cinq autres collègues, à venir s’entretenir avec le préfet de police de Paris en personne, comme un vrai délégué syndical, a en même temps conforté Guillaume Lebeau à la tête de la contestation. Sa convocation par la police des polices, quelques jours plus tard, en a presque fait un héros, tandis que Bérangère tentait d’approcher les candidats à la primaire des Républicains pour leur réclamer un « Grenelle » de la police, reprenant au vol une revendication… du syndicat majoritaire, Alliance.

Certains individus moins fréquentables

Dans certaines villes, comme au Mans, on a vu des membres de la FPIP (fédération professionnelle indépendante de la police), syndicat ultra-minoritaire proche de l’extrême droite, prendre la tête des cortèges. Une façon de surfer sur un mouvement en rupture avec toutes les institutions, hiérarchie comprise, tout en misant sur une réelle et légitime demande de considération émanant de la base policière, cette Sécurité publique qui forme le gros des troupes. Des troupes fatiguées qui se plaignent, en mélangeant tout, d’avoir affaire à des supérieurs uniquement concernés par les statistiques, de devoir protéger les enfants du Premier ministre, comme du fait de se retrouver dans des commissariats sans chauffage – c’est arrivé le même jour dans trois hôtels de police des Yvelines.

Au point de s’en remettre, ponctuellement, à des leaders un peu bancals, à l’instar de Rodolphe Schwartz, ancien ADS jamais titularisé, qui s’est couché devant la voiture du directeur général de la police nationale en visite dans l’Essonne, avant d’être à deux doigts d’être reçu par le ministre – il a reculé lorsque leur interlocuteur a annoncé aux membres de la délégation qu’ils devraient décliner leur identité. A Lyon, celui qui a mené la danse des policiers en colère n’a pas non plus un profil idéal pour être reçu par les autorités : brigadier-chef, il a été convoqué par le conseil de discipline au mois de septembre dernier pour avoir « manqué aux obligations déontologiques d’exemplarité, d’obéissance, de compte rendu, ainsi qu’à ses obligations de loyauté ». Condamné par la justice pour des faits de violence sur sa compagne, visé par deux enquêtes administratives, plusieurs fois exclu à titre temporaire par arrêté ministériel, le policier a refusé de déférer aux convocations de l’inspection générale, au point de se retrouver au bord de la révocation. Il ne cache pas, par ailleurs, sa proximité avec le mouvement d’extrême droite Souveraineté, indépendance et libertés (SIEL), dont les militants ont régulièrement rejoint les rangs des cortèges de policiers – notamment le jour où ils ont repris en cœur de slogan : « Francs maçons en prison ! Sauvageons en prison ! » Un programme assez éloigné des principes de la police républicaine.

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