A peine désigné à la fonction suprême, Donald Trump s’est comme débarrassé de sa verve outrancière. Dans l’allocution qu’il a donnée après l’annonce de sa victoire, ce mercredi 9 novembre, le nouveau président élu des Etats-Unis a fait preuve d’une sobriété à laquelle il ne nous avait pas habitués.
« Je serai le président de tous les Américains. » Ce mercredi 9 novembre, pour son tout premier discours en tant que président élu des Etats-Unis, Donald Trump a décidé de laisser les armes en coulisses. Au terme d’une campagne fielleuse à souhait, où il aura stigmatisé les minorités, agité les haines pour mieux dresser les Américains les uns contre les autres et divisé jusque dans son propre camp, Donald Trump pose désormais en rassembleur : « Le temps est venu pour l’Amérique de panser les plaies de la division. Nous devons nous réunir. À tous les républicains, les démocrates et les indépendants qui composent le pays, je dis qu’il est temps de nous rassembler afin de former un peuple uni. »
Avant cela, Donald Trump était entré sur la scène d’un pas lent et pénétré. Pas de clin d’œil adressé au public, pas de bras levé pour haranguer la foule : le milliardaire a épargné à l’auditoire ses habituelles fanfaronnades. Tout juste s’est-il permis de tendre un timide pouce en l’air à ses supporters qui, hurlant leur joie, l’empêchaient de s’exprimer. Le regard à la fois grave et tranquille, il a lancé son discours en adressant une pensée amicale à Hillary Clinton, sa rivale déchue : « Hillary a mené une belle campagne, elle s’est bien battue. Elle a travaillé dur pour notre pays et ce, depuis de longues années. Nous devons lui être très reconnaissants pour son action. Je le pense sincèrement. » Des propos étonnants dans la bouche de celui qui, tout au long de la campagne, n’aura jamais cessé d’entretenir une hargne envers celle qu’il qualifiait de « corrompue » et de « criminelle ».
Alors qu’il s’est souvent montré xénophobe et raciste, le nouveau président des Etats-Unis a également manié durant son discours de victoire une prose fraternelle qu’on ne lui connaissait pas : « Cette campagne a vu naître un mouvement incroyable, composé de millions d’ouvriers et de femmes qui aiment leur pays et veulent un avenir meilleur. Ce mouvement entraînera des individus de toutes races, religions, origines et croyances. Des individus qui attendent de nous qu’on serve le peuple américain, ce que l’on fera. » S’agissant de la communauté internationale, d’où ont émané à son endroit de nombreuses inquiétudes et critiques, Donald Trump a là encore tenu un discours apaisé : « Nous travaillerons main dans la main avec les autres nations qui souhaiteront nous accompagner. Nous aurons d’excellentes relations avec les pays étrangers. (…) Je tiens à dire à la communauté internationale que, si nous mettrons toujours les intérêts de l’Amérique au premier plan, nous négocierons d’une manière juste avec tout le monde. Nous chercherons systématiquement le compromis, pas l’hostilité. Nous chercherons systématiquement le partenariat, pas le conflit. »
Un verbe et un ton on ne peut plus éloignés des meetings enflammés qui ont jalonné sa campagne : embrassé par le peuple américain, le tribun outrancier semble s’être mué en un orateur diplomate et mesuré. Faut-il voir dans ce basculement une performance de tragédien ou une prise de conscience soudaine des responsabilités qui lui incombent dans sa future fonction ? Invité sur France Inter ce mercredi 9 novembre, Dominique de Villepin affirme que la caricature qui est faite de Donald Trump empêche d’observer la profondeur du personnage. « J’ai eu l’occasion de le rencontrer à plusieurs reprises, a expliqué l’ancien Premier ministre. C’est un homme qui est capable de montrer une image différente de celle qui a été la sienne ces derniers mois. C’est un homme complexe. Il est à la fois une sorte d’empereur fou, un clown qui joue avec le système politico-médiatique et un gagnant qui réussit ce qu’il entreprend. »
L’analyse est la même du côté d’André Bercoff, auteur du livre Donald Trump, les raisons de la colère, et qui condamne le portrait carnavalesque qui est fait du nouveau président des Etats-Unis. « Il n’est vraiment pas nécessaire d’avoir peur de Donald Trump, affirme-t-il à la Voix du Nord ce mercredi. Dans cette campagne, on a livré des polaroïds sur ce personnage. Trump est dépeint comme un extrémiste, mais il s’agit avant tout d’un négociateur dans le sens ‘business’ du terme. Avant d’être un idéologue, Donald Trump est un pragmatique.« Reste à savoir si ce pragmatisme le poussera à prolonger la sobriété de son discours de victoire.
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